LE VRAI VISAGE DE LA PROSTITUTION

 

 

"La prostitution n'est ni un péché, ni un travail, mais une violence infligée aux femmes par les hommes, et elle doit être à ce titre réprimée par l'Etat."

Le Dictionnaire Critique du Féminisme.

 

 

Le mot "prostitution" vient du mot latin "prostituere", signifiant "exposer, exhiber une personne".

Le mot "pornographie" vient du mot grec " porneia " signifiant "vendre une personne, prostituer".

 

 

Beaucoup s'imaginent que les formes de prostitution comme la prostitution de luxe, les call-girls, les boîtes à strip-tease ou le porno sont moins terribles que la prostitution des trottoirs, voire ne sont pas de la prostitution du tout. C'est totalement faux. Ellil n'y a que l'apparence qui conforte la conscience du consommateur de prostitué-es. Pour les victimes de la prostitution, c'est toujours la même violence, la même exploitation, le même marché, la même destruction... le même viol.

 

" il a mon corps mais ne peut pas avoir mon esprit"... Cette phrase, revient souvent chez les personnes contraintes physiquement et/ou psychologiquement à avoir une relation sexuelle... dans le viol, dans le porno, la prostitution de trottoirs, de luxe, les boîtes à strip tease, et autres formes de l'esclavage sexuel.

La réalité de la prostitution a souvent été déformée, banalisée, exotisée, ce qui lui a donné un aspect parfois "fantasmagorique". Nous n'allons pas parler ici de la prostitution sous cet aspect-là, mais sous son véritable jour, celui que connaissent de nombreuses femmes et de nombreux hommes. De la pornographie à la prostitution, la distance est très courte ; on peut même dire que l'une alimente l'autre. Plus encore que d'une certaine façon, l'une EST l'autre.

Dans le 1er numéro du magazine féminin "Doublo", 5 femmes "actrices" de X discutent :

Coralie : " A mes débuts dans le X, j'étais complètement traumatisée lorsque je voyais une fille au bord des larmes pendant un tournage, surtout sur les scènes de double-pénétration... Je trouve que c'est un truc d'éthique et si j'étais à la place du réalisateur, je ne pourrais pas forcer une fille à tourner. D'ailleurs, dans les scènes hard, elles ont plus souvent des tics de souffrance que de jouissance.

Raphaëlla : Tu sais, moi j'ai vu des scènes avec des débutantes, des filles de l'est surtout. Il y en a beaucoup dans le milieu, qui avaient accepté de tourner sans trop savoir où ça pouvait mener, et qui se retrouvaient en pleurs, avec le réalisateur derrière qui dit " vas-y, t'as rien à craindre !" ; ou carrément " c'est ton job, on ne te demande pas de réfléchir !

Karine : C'est le pouvoir de l'argent.

(...)

Raphaëlla : Pourquoi j'ai pas fait pute ? Personne ne saurait qui je suis.

Coralie : Tu le regrettes ?

Raphaëlla : Ouais ! Personne ne saurait qui je suis. J'aurais de l'argent quand même, voire plus d'argent. Y a beaucoup de choses que le X m'a données... mais en même temps je regrette, parce que j'ai fait don de mon corps et que tout le monde le sait.

Coralie : Non, t'as rien donné du tout !

Raphaëlla : Si, j'ai donné mon corps. Si je n'ai pas donné mon cerveau, j'ai donné tout le reste.

Karine : C'est un prêt !

Raphaëlla : C'est pas un prêt ! J'ai fait une donation ! ... "

 

Partout, le porno est disponible sous différentes formes pour une somme modique.

=> Kiosques : Les revues porno des kiosques sont mises bien plus en évidence et sont bien plus accessibles, incitant, encourageant vivement à la participation complice des personnes dans ce "nouveau" type d'esclavage. Pourquoi ces revues sont-elles plus accessibles qu'avant ? Simplement parce que les marchand-es de journaux touchent habituellement sur l'ensemble de leurs journaux et magazines 16 % du prix de vente et pour les revues porno, 23 %.

=> Internet : En Internet, la pornographie a trouvé le lieu où tout est permis. Dans la réalité, ellil est   interdit-e de violer, de torturer, d'acheter des êtres humains. Dans le virtuel, non. Le mot d'ordre y est plutôt : "déchaînons les fantasmes", sauf que les images de synthèse ont été rapidement remplacées par des films tournés, eux, en réel, par des êtres humains. Le premier CD-ROM "hard" a été commercialisé ellil y a plus de 10 ans, et montrait des enfants torturé-es par des hommes, voire des chiens. Par l'intermédiaire d'un logiciel de conférences vidéo, ellil est possible aujourd'hui de participer à un viol collectif sur une femme, ou d'abuser d'un-e enfant en tant réel. Le marché du sexe propose parallèlement aux hommes de glisser tout doucement du virtuel à la réalité. Pas chez eux, mais à l'étranger ( tourisme sexuel : prostitution enfantine, prostitution adulte, masculine, féminine, ... prostitution). Internet est devenu récemment un média pour la promotion du traffic et de l'exploitation sexuel-les des femmes. Ce réseau mondial de communication est utilisé pour acheter et vendre femmes et enfant-es.
Des agences proposent en vente par correspondance des catalogues de "femmes à épouser" dont certaines n'ont pas plus de 13 ans ! Des annonces pour des circuits touristiques à caractère sexuel y sont publiées. Le Livre Noir de la Prostitution nous conseille de " ne pas polariser sur Internet " et précise que "ce n'est pas l'outil qui est mauvais, mais l'utilisation qu'on en fait". Il ajoute " vouloir s'attaquer à l'objet est peine perdue, combat d'arrière-garde : Internet existe et on ne le supprimera pas. Vouloir le censurer d'emblée est hasardeux. Stephan Streker, dans Le Vif - L'Express d'avril 96, rapporte sur ce point une anecdote savoureuse : un forum sur America Online aurait été censuré parce que le mot "sein" y apparaissait trop fréquemment. Or il s'agissait d'un forum de cancerologues travaillant sur le cancer du sein. Il est cependant important d'agir, de trouver une réglementation adaptée et d'adopter une attitude volontariste. En fait la question est triple : la lutte contre l'exploitation sexuelle et la traite d'êtres humains est-elle une cause prioritaire ? Cette cause vaut-elle la peine d'être défendue ? Chaque pays est-il prêt à en prendre les moyens ? Si nous ne sommes pas capables de mettre fin à l'exploitation, aux méthodes d'esclavage ainsi qu'aux formes nouvelles et traditionnelles de violence sexuelle dans le monde réel, nous n'y parviendrons jamais dans le monde virtuel. "

 

PERSONNES A RISQUE

 

Pour l'ANRS (l'Association Nationale de Réadaptation Sociale) ellil n'y a pas " de situation de danger de prostitution à l'état pur ou unique, mais une diversité de conduites à risque prostitutionnelles pouvant être expliquées en terme de dominante. Lorsqu'un facteur de risque comporte un point important par son intensité (un inceste ou une grande carence affective), lorsque la situation nécessite une intervention urgente (rencontre du milieu de la prostitution) ou lorsqu'une situation dégradée se prolonge, compromettant la sécurité du jeune (isolement social, absence de réseau de soutien) ". Enquêtes, statistiques, témoignages, ... toutes les sources le confirment : une grande majorité des prostitué-es a subi des abus sexuels au cours de l'enfance. Le pourcentage est énorme : 80 %. Chez les femmes, les raisons qui poussent une enfant violée à se prostituer plus tard sont multiples, la jeune fille est convaincue que son corps ne vaut rien, elle se croit mauvaise, elle ne connaît que ce type de rapports pour recevoir de l'attention, elle pense pouvoir se venger par ce biais ...

Une prostituée racontait que son beau-père l'avait violée systématiquement pendant 3 ans. Elle vivait dans une peur constante : si elle allait se plaindre à sa mère, son beau-père abandonnerait la famille qui tomberait dans une misère dont elle serait responsable. Lorsqu'elle se décida enfin à aller trouver sa mère, au lieu de recevoir son soutien, elle fut mise à la porte et se retrouva à 16 ans à la rue. "

Sandrine, 26 ans a fait commerce de son corps pendant plusieurs années, en passant notamment de la pornographie au peep-shows : " Mon père était quelqu'un d'extrêmement violent qui me frappait, et j'ai subi des rapports d'ordre sexuel avec mon grand-père... Tout ce que mon corps a toujours ressenti c'est de la violence. Cette violence que j'avais en moi, je devais l'extérioriser mais, en même temps, je ne pouvais que la répercuter. Alors j'ai cherché à me faire du mal. Plus c'était glauque et plus je prenais plaisir à m'enfoncer dans ce qui était pour moi une forme d'avilissement. "

 

Abandonnée par son entourage, seule, sans réconfort et sans protection, la jeune fille violentée adoptera deux types d'attitude selon son caractère. Elle se reprochera d'avoir rompu l'harmonie familiale, s'en voudra d'exister, ce qui la conduira à connaître ce sentiment de "ne rien valoir". Ou alors elle se révoltera contre son entourage mais aussi contre elle-même, au risque, ou inconsciemment au but de se détruire. Ces deux attitudes qui se rejoignent conduisent à la rupture et à l'errance, ce qui est un facteur majeur de risque prostitutionnel.

" Nicole s'est vengée plus tard. Sur elle-même. Elle s'est droguée à en crever, elle s'est faite pute à en crever. La femme que j'étais devenue à vingt ans devait faire payer à la petite fille son silence. Vendre mon corps me vengerait de l'avoir laissé prendre... "

Claude, 31 ans, 6 ans de prostitution dans les bars, à Paris et en Belgique, raconte : " N'importe quelle situation de conflit familial peut amener à la prostitution. On n'identifie pas tout de suite le proxénète ; quand on a compris à qui on a affaire, c'est souvent trop tard ! "

L'enquête de l'ANRS indique que les jeunes prostitué-es se sont installé-es dans un processus de marginalisation et d'exclusion, se coupant des réseaux d'insertion existants.

" Le milieu prostitutionnel représente un mode de vie très spécifique. Les valeurs sont différentes. Le langage est particulier. Les relations et le temps s'écoulent d'une autre manière. Très vite on se retrouve coupé-e de la société. On est dans un ghetto... Avec le temps, la nouvelle (ou le nouveau) se fait une certaine place, elle est reconnue et a des liens qui se nouent dans le milieu... Plus le temps passe et plus la distance se fait grande entre son univers et le reste de la société. "

" Les proxénètes choisissent des gamines qui sont placées dans des foyers, raconte Violette. Ils tourneront autour... En général ils sont pas mal et beaux parleurs. Ils disent tous avoir de très bonnes situations. Ils séduisent la gosse, l'invitent à prendre un café, puis l'emmènent en week-end à Deauville ou à Biarritz, la gosse tombe amoureuse, le proxo lui achète une bague, des belles robes et des beaux manteaux qu'elle n'a jamais eus. Ces gamines qui n'ont rien connu à part la tristesse de leur vie, croient au prince charmant... Quand il sent que la gosse est bien accrochée, il se dit en faillite et propose à la gosse de l'aider en se prostituant : c'est pour trois semaines ma chérie, n'aie pas peur, juste trois semaines, cela me dépannera. Il y a des petites filles qui disent oui de suite, et dès qu'elles font le premier client, c'est fini, elles tombent dans la prostitution. Si la fille refuse, elle est frappée ; il faudrait qu'elle ait la force de s'en aller vite et très, très loin. (...) Il faudrait faire des réunions dans les foyers et parler à ces enfants. %Mais absolument rien n'est fait dans la ville. Il faudrait montrer des films, les commenter, avec des filles qui ont été massacrées par des procénètes. Le gros défaut des foyers est que le matin à 8 heures, les jeunes filles doivent être dehors."

Hamou Hasnoui, psychosociologue, évoque : " D'une part, des actions en direction des jeunes : développer l'écoute psychologique préventive, diversifier et adapter des dispositifs d'accueil en tenant compte de la mobilité et de l'errance, développer et adapter les outils d'information. D'autre part, il faudrait développer une aide matérielle pour les jeunes en situation d'urgence, et mieux prendre en compte les problèmes de santé. Mais il serait de la responsabilité de l'Etat de mener des actions globales de prévention, par exemple dans les collèges ou les lycées. On y parle toxicomanie, sida, mais pas prostitution, qui reste un sujet tabou. On ne s'intéresse qu'au visible. On est préoccupé-e par la prévention de la délinquance, mais pas celle de la prostitution, qui est invisible. "

Dans la plupart des cas, les jeunes prostituées l'assurent avec force : ce " travail " est temporaire, et il n'a qu'un but : gagner de l'argent. Pour l'homme de leur vie, ou pour elles-mêmes. Pour s'établir, pour s'offrir le superflu et... pour se venger. " Dans ce monde, on ne vous respecte pas, affirme Sandrine. L'argent est une réparation. " " On se disait qu'on allait mettre de l'argent de côté et ouvrir un petit commerce " ; " Je n'éprouve absolument aucun plaisir, c'est clair. Mais je suis très matérialiste ", affirme Christelle qui, avant de choisir son peep-show, a fait le tour des différentes boutiques, demandé les tarifs, examiné la tête de l'animateur, comparé le confort des cabinets. " Il faut dire que j'étais habituée : pendant 3 ans, presque chaque jour, j'ai regardé des films X ", et Christelle poursuit. A 13 ans, elle est ce qu'on appelle une adolescente difficile. Elle ne réussit pas à communiquer avec sa mère et ne s'entend pas avec son beau-père. Elle rencontre un homme, par l'intermédiaire d'une amie, qui a tout ce qu'elle cherche : 40 ans, " père protecteur " , il prend le temps de l'écouter, de la comprendre... En fait le monsieur, propriétaire d'une boîte d'échangistes, prostitue son épouse et envisage de mettre Christelle sur le trottoir lorsqu'elle sera majeure. En attendant, il la forme par " cours particuliers " et projections régulières de films pornographiques. Cette relation dure 3 ans. La jeune fille est fascinée, manipulée, destabilisée, mais accepte de plus en plus mal cette relation. En famille, elle essaie d'exprimer ce désarroi par la colère, les fugues à répétition, et se fait renvoyer de plusieurs établissements scolaires. Et un jour : " j'ai tout dit à ma mère. Elle est tombée par terre. Elle ne s'y attendait absolument pas. Pourtant j'avais un comportement complètement anormal. " Les parents portent plainte, l'homme est incarcéré : 4 ans ferme. Christelle, libre de vivre sa vie, se retrouve, pour la gagner, dans un cabaret, puis dans un peep-show. " Je domine la situation, affirme Christelle. Le client est piégé : il n'y a pas d'acte sexuel. " Le travail de la jeune fille est de satisfaire visuellement tous les désirs des hommes, dans des cabines à pièces où, si le client ajoute quelques billets, dans des salons. Bien sûr, c'est destabilisant d'entendre tous ces fantasmes de mecs. C'est finalement très triste. Et puis certaines filles qui travaillent avec moi vont très mal, et cela me désespère. J'aimerais tout prendre sur moi. Personnellement, la douleur ne me fait pas peur, je ne crains pas de souffrir : j'ai l'habitude. Alors un peu plus ou un peu moins... De toute façon, c'est foutu d'avance. "

Une prostituée dit : " J'essaie de ne pas penser, et je compte combien j'ai gagné. "

Une autre : " L'argent est une réparation ".

Une troisième : " L'argent c'est un peu de pouvoir ".

 

 

LA PROSTITUTION DES HOMMES

La prostitution voit de plus en plus de garçons proposer ses """services""". Pourtant, la prostitution masculine existe depuis bien plus longtemps que le patriarcat ne veut bien le reconnaître ; selon Le Livre Noir de la Prostitution, " la prostitution masculine a toujours été considérée comme une transgression dont il valait mieux ne pas parler. Une transgression des moeurs, mais aussi des idées reçues : une femme, éternelle seconde du champ social, au service du sexe dit fort, c'est presque dans l'ordre des choses. Mais un homme ! " La prostitution masculine, on en parle peu, mais le peu qu'on en parle, on en parle mal. Quantité d'idées reçues, d'amalgames et clichés en tous genres viennent se coller aux mots "prostitution masculine " : les prostitués ne sont pas spécifiquement étrangers, mais bien au contraire, majoritairement d'origine française. Ce cliché de prostitués étrangers sert surtout beaucoup les vieux principes fossilisés de l'extrême droite et de ses alliés ("Ah, ces étrangers qui corrompent notre beau pays"). Comme chez les filles, ellil est cependant vrai-e que l'on assiste récemment à une arrivée massive de jeunes pré-adolescent-es venu-es des pays de l'est, ceci est rendu-e possible """grace""" à la misère qui résulte du système capitaliste. Des Roumain-es que l'on trouve la plupart du temps dans les gares. Pour les garçons aussi, les abus sexuels subis dans l'enfance jouent un rôle important.    " Plus d'un tiers des prostitués que nous avons rencontrés ont été victimes de viols (il est probable que le chiffre serait plus élevé si nous connaissions mieux l'enfance de ces garçons). Même s'il n'entraîne pas l'énorme culpabilité que ressentent les filles qui ont été violées, il est incontestable que le viol les a vivement marqués. "

Les prostitués se disent parfois hétéros ou bis. Cela implique qu'ils sont censés satisfaire également la demande féminine. Certains couples s'adressent effectivement à eux, mais cela reste très rare, et l'écrasante majorité des consommateurs de prostitué-es sont des hommes. "D'ailleurs, la plupart des prostitués sont homosexuels. Souvent cette homosexualité, ou plus exactement le rejet qu'elle engendre, est responsable de l'entrée des plus vulnérables dans la prostitution. C'est par réaction à un rejet familial et social, parfois très précoce, empêchant la reconnaissance de leur identité (homosexualité par exemple) que les jeunes garçons arrivent à la prostitution. Face à cette exclusion, les garçons réagissent souvent avec provocation, s'affirmant " pédés " haut et fort. Mais en réalité ils se sentent perdus, finissent par penser qu'ils sont pervertis, jusqu'à considérer la prostitution comme un moindre mal. "

La prostitution des garçons comprend 3 " modes d'entrée " :

* les jeunes connaissant les problèmes familiaux ou placés dans des foyers, et qui sont en fugue. Ayant besoin d'une aide matérielle pour se nourrir et dormir, mais également en grande carence affective, la prostitution leur semble être un bon moyen de résoudre ces trois problèmes.

* les drogués qui ont besoin d'argent pour acquérir leur dose. On y rencontre bon nombre d'hétéros qui n'ont trouvé que cette solution " en fermant les yeux, en imaginant que c'est une femme..."

* ou simplement des jeunes en galère qui veulent se faire du fric rapidement.

Précision importante : une grande majorité des prostitués non toxicomanes, s'initie aux stupéfiants après leur entrée dans la prostitution.

" Les prostitués sont jeunes et leur temps de "carrière" est limité. Bien plus que celui des prostituées. Au-delà de 30 ans, voire 25 pour les plus marqués, un prostitué n'a plus rien à espérer. " Un mec t'achète avec son argent ; quand il voit que tu es trop vieux, il prend le plus jeune." Le "client" est en effet intéressé par les garçons imberbes, très juvéniles. L'avenir de ceux qui n'ont pas pu s'en sortir à temps est terrifiant : " la majorité de ceux qui ont plus de 30 ans et qui sont à la fin de leur carrière, n'ont pas pu rencontrer de personnes pour les "entretenir." Beaucoup font usage de drogues, d'autres tapinent à la gare du Nord, ou à Jean Jaurès, où ils peuvent encore trouver quelques "clients". Ils n'ont plus le choix du "client", ni de la pratique, ni du prix. On les repère parmi ceux qui répondent à la demande scatologique, par exemple, ou qui vont avec un "client" pour un sandwich. Quand ils sont dans cette phase, on comprend que la prévention du sida ne compte guère. "

Les proxénètes, en général, préfèrent se servir des femmes plutôt que des hommes (dont la """"carrière"""" est plus courte, et donc rapporte moins). Les prostitués parlent rarement de proxénètes, certains même prétendent ne pas en avoir, mais évoquent des protecteurs qu'ils doivent payer.

Des prostitués n'ayant pu quitter "à temps" la prostitution peuvent dériver vers le travestisme afin de continuer à louer leur corps : " les """"clients""", surtout hétérosexuels, demandent un homme déguisé en femme. Les garçons qui se prostituent se travestissent pour avoir plus de succès. "

 

DES ENFANTS A LOUER ET A CONSOMMER

Un million d'enfants entre chaque année dans le marché du sexe, selon l'UNICEF. Et le chiffre d'affaires mondial s'élève à plusieurs milliards de dollars. Beaucoup d'entre elleseux s'y retrouvent par contrainte physique, après avoir été enlevé-es, vendu-es, violé-es... Chaque année, des adultes de plus en plus nombreux se croient autorisés à abuser de ces enfants. Certains de ces adultes sont pédophiles, d'autres par peur du sida, pensant à tort qu'un-e jeune prostitué-e ne peut pas être contaminé-e, et d'autres enfin par désir "exotique" .

Les consommateurs d'enfants sont souvent les lecteurs de guides touristiques incitant explicitement au tourisme sexuel, comme ceux édités par John Stamford, ancien prêtre anglican d'origine écossaise, poursuivi à la suite d'enquêtes d'infiltration du réseau et de plaintes déposées par des ONG. Un procès a eu lieu en novembre 94, procès qui a sensibilsé les médias et, par leur intermédiaire, le public. Procès exemplaire à bien des égards : il illustre le fait que la prostitution enfantine n'est pas un phénomène exclusivement pratiqué dans les pays en voie de développement, mais que dans l'ensemble de l'Europe, des réseaux se créent. Il illustre aussi le fait d'une provocation isolée, mais bien de toute une industrie. Le procès Stamford porte aussi sur la pornographie ( qui est une tentative de détournement de la liberté d'expression au profit de l'exploitation sexuelle des plus vulnérables). Ce procès, c'est la fin de l'immunité. C'est l'évocation des difficultés et des souffrances rencontrées par des victimes lors des dédales judiciaires. Ce procès, enfin, c'est le début d'un résultat d'acharnements de plusieurs ONG qui poussent les gouvernements à réagir.

Quelques indications sur le schéma de réseaux de John Stamford : en 1970, John Stamford crée le Guide International de Tourisme soi-disant "pour homosexueles" : Spartacus. Edité en langue anglaise, publié en Allemagne, ce guide atteint bien vite les 60 000 exemplaires et est distribué également dans de nombreux pays. Ce livre répertorie officiellement à travers le monde les adresses et lieux de rencontre pour homosexuels. Les ONG ne s'en seraient jamais préoccupées s'ils n'avaient été que cela. Mais Spartacus comporte d'autres rubriques cachées : selon la FAI (Fédération Abolitionniste Internationale), "Un système de codage dans le guide Spartacus permet aux pédophiles du monde entier de localiser les endroits où il leur sera possible de trouver une jeune clientèle". Bien entendu-e, le mot "enfant" est soigneusement évité. Ce livre explique aussi comment entrer en contact avec la société de Stamford, dont la première, SIL (Spartacus International Limited), basée à Londres, propose une adhésion au club Spartacus, club qui fournit à ses membres des portfolios donnant, pays par pays, des renseignements beaucoup plus précis.

" En général, les garçons sont facilement disponibles dès l'âge de la puberté, et même avant, et normalement personne n'a d'objection (...) J'ai personnellement testé beaucoup de ces garçons et recommandé certains aux lecteurs du guide Spartacus (...) Ecrivez-nous le nom du garçon que vous souhaitez rencontrer, dites-nous vos dates d'arrivée, numéro de vol et heure d'arrivée, ainsi que l'hôtel où vous résidez. " Bien entendu-e aussi, les portfolios n'oublient jamais de rappeler que les lois théoriquement en vigueur dans les pays concernés et le moyen de les contourner, ainsi que les tarifs pratiqués sur place. John Stamford incite ainsi ses lecteurs à en savoir plus, à travers son guide, puis son club, puis ses portfolios, et à passer à l'acte. Acte qu'il facilite d'ailleurs grandement. Stamford se vante d'ailleurs à F. Lefort, qui a infiltré son réseau, de " pouvoir fournir partout dans le monde, en deux heures, un enfant de l'âge et du sexe désirés." C'est d'ailleurs ce que déclare la présidente de l'ACPE, Monique Loustau, au moment du procès. La Coltsfoot Press est la seconde société de John Stamford. Celle-ci est basée à Amsterdam, et spécialisée dans les publications pédophiles. Suite à des difficultés financières, Stamford décide de vendre Coltsfoot Press dès 1985. N'ayant trouvé aucune personne preneuse, il essaye d'écouler le stock de publications pédophiles de Coltsfoot, et adresse pour cela, en fin 93, le catalogue Coltsfoot à chaque membre du club Spartacus.

La FAI déclare en 94 : " en commercialisant l'exploitation sexuelle de l'enfant, Stamford rend ce phénomène, auparavant marginal, accessible au plus grand nombre. Il exploite financièrement la pédophilie qui, grâce aux facilités offertes, se développe de manière à peine clandestine ... "

Mais le réseau Spartacus n'est pas le seul sur le marché de l'exploitation sexuelle des enfants. Des Tour Operator se sont en effet spécialisés dans ce que l'on appelle " les circuits du sexe". En 93, des agent-es de voyage de 85 pays ont pris des mesures et ont décidé d'informer le public. La Suède, la Suisse et la France ont inséré dans les billets d'avion une note dont la version suédoise se termine par : " un enfant a droit à une protection quel que soit l'endroit où il vit. " Espérons qu'un jour nous puissions voir ce genre de mesures être pris contre la prostitution sous toutes ses formes !!! De même les Nations Unies affirment :  " la traite et la vente d'enfants, la prostitution d'enfants et la pornographie impliquant des enfants constitue des formes modernes d'esclavage qui sont incompatibles avec les Droits de l'Homme, la dignité et les valeurs humaines. " Nous nous interrogeons alors sur le point de vue des Nations Unies contre la prostitution des adultes. Considère-t-on qu'elle est compatible, elle, avec les Droits Humains, avec la dignité et les valeurs humaines ? Considère-t-on qu'une forme de prostitution est acceptable et l'autre   non ? Considère-t-on que la prostitution des adultes n'est pas aussi une forme moderne d'esclavage ?

Mais revenons au sujet précis de la prostitution enfantine. Marie-France Botte (ancienne assistante sociale belge) explique qu'à Bankok, les petites filles ne sont pas visibles. Elles sont enfermées dans les hôtels pour touristes. Hôtels où l'on réserve à la fois la chambre, les boissons et la "consommation".

Lors de son procès, John Stamford essaye de tirer son épingle du jeu et utilise la carte officielle de Spartacus : le guide touristique destiné aux homosexuels en hurlant à la persécution, en clamant : " dans ce procès, les médias et les parties civiles font exactement ce que les nazis, en leur temps, ont fait aux homosexuel-les. S'ils pouvaient nous mettre dans des chambres à gaz ou de torture, ils le feraient ". Stamford essaye d'attirer la communauté homosexuelle de son côté, en se faisant le défenseur d'un jour des homosexuel-les. Bien entendu-e, les communautés homosexuelles ont cerné le stratagème et ne sont pas rentrées dans son jeu. Stamford ajoute, lors de son procès, que la situation dans laquelle il se trouve est dûe au comportement "colonialiste" de certains pays d'Occident qui ne peuvent accepter les différences culturelles avec d'autres nations. " L'argument basique utilisé par les touristes abusant d'enfants en Asie : " Cela fait partie de leur culture (...) et ils aiment ça ". Ils ignorent naturellement la façon dont les enfants prostitué-es les appellent : " les crocodiles".

Le juge suspend la séance car une nouvelle pièce vient d'être jointe au dossier : une vidéo pornographique dans laquelle Stamford est impliqué, et qui se serait soldée par le meurtre de deux enfants philippins. Les revues et les cassettes porno font ENTIEREREMENT partie de la réalité prostitutionnelle des adultes comme celle des enfants, à l'étranger comme en France, et forme un tout avec elle.

Et Stamford continue ... "Nous devons nous poser honnêtement la question : qu'est-il préférable ? Un enfant philippin vivant uniquement de déchets qu'il trouve sur une montagne d'immondices, ou le même pauvre enfant, se prostituant avec des touristes ; ce qu'il apprécie par ailleurs, et ce qui lui permet en outre de se nourrir convenablement, de dormir dans un lit propre et de s'offrir une éducation correcte ?"
Comme le dit Le Livre Noir de la Prostitution, " Comment parler d'éducation pour ces enfants prisonniers de la prostitution ? Au pire, ils mourront à la suite de mauvais traitements et de coups, à cause de la drogue ou d'une maladie comme le sida. Au mieux, ils perdront tout respect d'eux-mêmes et des autres."

La misère économique inérante au capitalisme est de toute évidence un dénominateur commun à toutes les formes de prostitution. Bien sûr-e, ce n'est pas l'exclusive raison, mais l'une des plus fortes. Elle s'accompagne souvent de misère affective ou du dégoût de soi.

Concernant la pauvreté, l'UNICEF précise dans un rapport qu'elle est plus profonde et plus irréductible qu'elle ne l'était auparavant. En effet, dans certains pays en voie de développement, le revenu annuel moyen de 20 % des personnes les plus riches est plus de 25 fois supérieur à celui de 20 % des pauvres. Les bouleversements politiques, économiques et sociaux de l'Europe centrale et Orientale qui ont eu lieu au début des années 90 ont aggravé les disparités économiques. De fait, 100 000 enfants vivent dans la rue et y "travaillent".

 

FILLES A VENDRE

Chaque année, du Bengladesh au Pakistan, de l'Inde vers de Moyen-Orient, des Philippines vers la Malaisie, de Birmanie vers la Thaïlande, et du Népal vers l'Inde, des milliers de femmes et de très jeunes filles disparaissent, vendues volontairement par leurs familles ou enlevées de force à elles. Dans ces rapts d'une autre époque, on trouve : des parents, des maris, des voisins, des ami-es, des inconnu-es, etc... Mais quelle que soit son origine, la victime subit le même sort : elle se retrouve vendue comme une marchandise dans un pays étranger dont elle ne connaît pas la langue, isolée, sans papiers et sans le moindre secours. Son destin est dores et déjà tracé, et se résume à peu d'alternatives : le bordel ou l'homme riche dont elle sera l'esclave sexuelle et la domestique. Sa seule """faute""" est d'être une fille, dans ces régions où la préférence pour un fils est largement prédominante. La vendre, la sacrifier à une quelconque déesse ou un quelconque dieu, ou la prostituer fait partie d'une tradition qui a des siècles d'âge et laisse toute la place aux garçons. Obscurantisme et exotisme, l'occasion est trop belle pour les exploiteurs du tourisme sexuel. Ron O'Grady propose un voyage en Thaïlande intitulé " Le circuit contre la crise de l'âge mûr de l'homme vrai ". Le sous-titre confirme " ce circuit est réservé aux hommes, aux vrais hommes". L'edito aussi est assez explicite : " je sais que vous, les gars, vous ne supportez plus ces histoires d'indépendance et de libération de la femme. Mon but est donc de vous amener là où il existe de vraies femmes vivant en harmonie avec la nature, et dont la première mission dans la vie est d'assouvir les désirs et besoins des hommes " . Ce circuit a réellement existé. Ce n'est pas un canular. Ce n'est pas un cas isolé, d'autres programmes de ce type se mettent en place, avec moins de franchise et de manière moins caricaturale, mais les """services""" proposés restent les mêmes. " Sur Internet, des hommes, amateurs de "vacances sexuelles", échangent leurs impressions, leurs adresses et leurs conseils. Dans certains forums, il est même explicitement précisé que les femmes sont retenues contre leur volonté, et que, surtout, le client peut en faire ce qu'il veut. "   Des jeunes filles birmanes sont enlevées et séquestrées dans des bordels de Ranong, où leurs conditions d'existence sont des plus atroces : aucune hygiène, aucun soin, et des violences de toutes sortes. D'après les jeunes filles qui ont été libérées, les premiers temps sont terribles. Les femmes sont contraintes à se prostituer ; si elles résistent, elles sont privées de nourriture, enfermées dans l'obscurité pendant plusieurs jours, voire soumises à des viols collectifs. Les formes de punition fréquentes sont la maltraitance à l'aide de barres de fer et les brûlures par cigarettes.

Bien évidemment, la prostitution n'est pas imposée à toutes les prostituées. A côté des femmes et des filles esclaves, ellil y a des femmes qui se disent prostituées par libre choix, mais les conditions économiques et sociales qui entraînent leur prostitution faisant d'elles un produit de consommation, remettent en cause la signification du dit libre-choix. Comme l'affirme très justement un journaliste belge en 1996 au moment de l'affaire Dutroux : " Les solutions ? il n'y en aura jamais, aussi longtemps que l'économisme prévaudra sur l'humanisme, et que le désir de puissance lié à l'argent et au sexe demeurera une composante essentielle et obsessionnelle du monde dans lequel nous vivons. "

 

MAISONS CLOSES

Athènes était une ville mythique, célèbre pour ses raffinements avait un côté moins connu et bien moins reluisant : culte de l'argent, corruption et prostitution... Athènes était une ville à la morale bourgeoise : et la prostitution dérangeait énormément la bonne vieille société... ou plutôt le spectacle de la prostitution. En l'an - IV, Athènes trouve le moyen de cacher (au lieu d'élucider) ce problème : elle crée les maisons closes, autrement appelées "bordels" (le mot venant du fait que les lieux en question se trouvaient souvent au bord de l'eau). Cette idée fait son chemin, et arrange bien les hypocrites de tout poil et de toute région du globe. D'ailleurs le monde s'endurcit, devient fruste, se remplit de guerres et de conquêtes, il crée une atmosphère de violence dans laquelle la prostitution proclamée ou clandestine fait son lit. De nombreux seigneurs tentent d'extirper la prostitution qui ronge leur royaume. Théodose le Grand, empereur byzantin, ordonne d'exiler tous les pères, époux ou maîtres qui prostituent leurs filles, femmes ou esclaves. Théodoric Ier, roi des Wisigoths, (418-451) condamne à mort le proxénétisme (les prostituées sont épargnées, ce qui n'est pas le cas avec un autre Wisigoth, Alaric II, qui en 506, un an avant d'être tué par Clovis, rédige un recueil de lois, le code Alaric, où le sort des prostitué-es, tout comme celui des proxénètes, est le fouet). Le code Alaric survivra longtemps à son auteur ; on le retrouvera avec Genséric de Carthage, premier roi vandale d'Afrique, et Frédéric Ier Barberousse, empereur romaingermanique. Ceux-ci renforcent le code Alaric et l'endurcissent, moins toutefois que Charlemagne, (dont la vie ne s'est hélas pas limitée à la création d'écoles gratuites) pour qui toute personne qui racole, aide les prostituées ou tient un bordel, est passible de flagellation, les prostitué-es elleseux-mêmes sont jugé-es comme criminel-les et peuvent recevoir jusqu'à 300 coups de fouet, et voir leurs cheveux être tondus. En cas de récidive, elles sont vendues au marché des esclaves.

Dans toute cette violence aussi spectaculaire qu'inefficace, une note juste dans un cafarnaüm de fausses notes . Cette note, c'est l'empereur byzantin Justinien 1 er qui la donne, très secondé par son épouse, Théodora (elle-même ancienne prostituée, connaissant donc bien le problème) . Sur les conseils de son épouse, Justinien stipule dans son Corpus juris civilis que tous les proxénètes, souteneurs et mères maquerelles doivent être sévèrement puni-es. Sur sa lancée, il abolit l'interdiction aux ex-prostituées de semarier. De plus le couple créeaussi un centre de réadaptation sociale pour anciennes prostituées (jusqu'ici excellente initiative mais il appelle malheureusement ce centre ... "Metanoia" (ce qui signifie "repentir"). Une grande contradiction puisque toute la démarche implique l'idée que ces femmes sont victimes de la prostitution et le nom du centre implique, lui, qu'elles sont coupables de quelque chose) !

 

 

EGLISE ET PROSTITUTION

 

Si l'Eglise a adopté une attitude très hostile contre les prostitué-es et la prostitution pendant les six premiers siècles, elle change radicalement de ton ensuite. Saint Augustin, le "père de l'église latine", nousassène sonopinion (encore souvent développée aujourd'hui par les pro-prostitution) : " Supprime les prostituées, les passions bouleverseront le monde. Donne-leur le rang de femmes honnêtes, l'infâmie et le déshonneur flétriront l'univers. Les prostituées sont dans la cité ce qu'un cloaque est dans un palais. Supprime ce cloaque et le palais tout entier deviendra un lieu infect. "

" Saint " Thomas d'Aquin, neuf siècles après, déclare dans sa Somme Théologique admettre l'existence de la prostitution, et prône la réglementation. " Agir ainsi est honteux et opposé à la loi de Dieu, mais en toucher le prix n'est ni injuste ni défendu. On peut donc garder ces biens et en faire l'aumône. "

Aux XIème et XIIème siècle, le discours ecclésial établi par le Decretum de Burchard, évèque de Worms, est le suivant : " La prostitution est un mal, mais une nécessité, et la femme prostituée est la première fautive. " Ainsi l'Eglise suit les décisions prises par la "bonne société" bourgeoise, et réclame que les prostituées ne se mélangent pas au genre humain ordinaire (justifiant par là l'idée de l'existence des bordels) et " puisqu'elles existent, pourquoi ne pas profiter du commerce de la chair ?" A partir du XIVème siècle, les tentatives d'institutionnalisation de la prostitution reposent sur deux axes : ségrégation et profit. Puisque les bordels sont considérés comme inévitables par les élites, les puissants, clergé compris, qui mettent en commun leur effort pour réglementer et administrer le "péché", contrôlant et encaissant. Saint Thomas d'Aquin décrit comment des moines perpignannais faisaient une collecte de fond pour l'ouverture d'un lupanar présentée comme une "oeuvre sainte, pie et méritoire". Le pape Jules II lui-même ordonne, en 1510, la construction d'un bordel strictement réservé aux chrétiens. Voltaire rapporte que l'évêque de Genève possédait tous les bordels de ses terres paroissiales. Jusqu'en 1946, date de fermeture des maisons closes en France, ellil est fréquent-e que les murs des bordels appartiennent au clergé, lequel encaisse le loyer du "péché".Les positions de l'Eglise, depuis la déclaration du Concile de l'Eglise catholique romaine en 1962, se sont ensuite infléchies dans une autre direction : " tout ce qui est offense à la dignité de l'homme, comme les conditions de vie sous-humaines, les emprisonnements arbitraires, les déportations, l'esclavage, la prostitution, le commerce des femmes et des enfants, toutes ces pratiques sont en vérité infâmes. Elles déshonorent ceux qui s'y livrent plus encore que ceux qui les subissent. "   En bref, les victimes sont donc à ses yeux coupables, peut-être moins que les bourreaux, mais coupables tout de même.

 

LE ROSE DES APPARENCES ET LE NOIR DES REALITES

 

La maison close est perçue par beaucoup de personnes en France comme un folklore "coquin bien de chez nous", dans la lignée des traditions gaillardes et gauloises, collant avec " la Belle Epoque, les Années Folles, les Folies Bergères, le French cancan, les froufrous, les boudoirs, les gros hommes à rouflaquettes et les p'tites femmes de Paris. " Nostalgie perpétuée par beaucoup d'écrivains. Mais tout ceci n'est qu'une apparence visant à assurer le "confort" des consommateurs (un consommateur conforté est un consommateur qui revient).

La réalité est toute autre : " des femmes avilies, réduites à l'état de "bêtes à plaisir", confinées dans un huis clos dégradant, tournant au système carcéral : le bordel, l'hôpital, la prison.... exploitées, maltraitées, corvéables à merci et pour le pire. Avec, pour finir, l'horreur absolue, l'abjection suprême de la prostitution : l'abattage. Car les bagnes du sexe ont aussi leurs îles du diable : parquées dans des bouges abjectes, traitées comme du bétail, abruties par les drogues et l'alcool, les prostituées y travaillent à la chaîne, alignent quelquefois jusqu'à 80 passes par jour !!! " (dixit Le Livre Noir de la Prostitution). Mais le consommateur ne doit pas voir cela et ne doit pas s'en soucier. Il paye pour son plaisir et, partant de là, il est le roi. Les consommateurs pensent (ou prétendent penser) être dans un lieu "festif", et tout est fait pour qu'il le croie. Derrière le velouté des tentures, la maison close tient de l'usine et de la prison. L'appareil administratif y est très précis, quasiment obsessionnel. C'est un lieu d'ordre où règne une discipline de fer. Au sommet de la hiérarchie, la taulière (une ancienne prostituée qui a "réussi") dirige et punit ses esclaves. La préfecture lui ont donné l'autorisation d'exercer, elle constitue un registre dans lequel le nom de toutes "ses filles", ainsi que le résultat des soi-disant visites sanitaires (visites qui n'ont d'ailleurs jamais lieu). Son autorité est pratiquement sans limite. Elle ne prend en compte qu'une seule règle : le profit. Le lupanar n'est rien d'autre qu'une entreprise commerciale dont l'unique but est de faire de l'argent. Argent pour l'Etat proxénète, qui encaisse plus de 50 % des bénéfices par le biais des impôts dont sont redevables les maisons closes. Argent pour des propriétaires d'immeubles qui matraquent les loyers et touchent pot-de-vin sur pot-de-vin, et pour les patron-nes qui s'édifient des petites ou grosses fortunes (selon le standing de leur établissement). Les prostituées n'ont, elles, droit qu'à quelques miettes, juste de quoi survivre... Piégées à l'extérieur par l'un de ces recruteurs du sexe qui errent dans les hôpitaux et dispensaires, traînent dans les bureaux de placement, déambulent dans les gares, en quête de "proies" idéales. Le "colis" (surnom donné aux filles dans le milieu de la prostitution) est "ficelé". "

Quotidiennement exploitées, les pensionnaires voient rarement la couleur de l'argent qu'elles gagnent. S'il arrive qu'elles touchent la moitié des passes, elles sont alors assujetties à une lourde pension mensuelle. Si elles travaillent aux "jetons", la taulière déduit les frais et les sommes à remettre directement au proxénète. Pour éviter qu'un billet ne soit dissimulé, la sous-maîtresse n'hésite pas à fouiller les chambres... Toute l'habileté du système consite à maintenir les filles dans un endettement permanent. Les amendes pleuvent : verre cassé, retard, injure au client, dépassement du minutage, souvent mal logées, entassées dans de sinistres "bahuts" sous les combles, voire couchées à deux dans un seul lit, les pensionnaires n'ont pas voix au chapitre.

Ne sortant pratiquement jamais (ou seulement pour changer d'établissement, une fois cédées après transaction), elles sont taillables et corvéables à merci des clients, elles doivent tout accepter, tout subir. La tenancière a tôt fait de vérifier la "gentillesse" de sa "protégée" auprès des intéressés. La boucle est bouclée. Démunies, les prostituées des maisons closes s'endettent auprès de leurs geôliers. Battues, humiliées, martyrisées par des consommateurs sadiques, elles n'ont pas le droit de porter plainte, " pour ne pas faire de tort à la réputation du bordel ". Malades, elles constatent tous les jours que le fameux contrôle sanitaire est une supercherie. Si elles font preuve de réticence et sont "mauvaises travailleuses", leur tenancier-e les envoie dans l'enfer de l'abattage.

" Certes toutes les prostituées ne sont pas retenues que par la force. Mais le monde clos et putride où elles se sont plongées les a coupées de l'extérieur. A qui se plaindre ? A la justice ? A la police ? Parfois celle-ci ramène elle-même les jeunes femmes qui cherchent à s'enfuir. "

Quant au fameux contrôle sanitaire, pillier majeur de l'argumentation réglementariste, il ne résiste pas à la fraude médicale ni aux arrangements divers accordés aux tenancier-es. N'oublions pas que les proxénètes n'ont ABSOLUMENT PAS intéret à ce qu'une véritable visite médicale ait lieu, car les chiffres parleraient d'eux-mêmes et ferait fuir "la clientèle" . Dr Pinard déclare en 1945 qu'une femme reconnue saine à une visite a le temps d'infecter une trentaine de personnes entre sa contamination et la visite suivante. Il ajoute que 99% des prostituées qu'il a oscultées en 3 mois de travail étaient atteintes de maladies vénériennes.

En outre, ellil apparaît que le système des maisons closes est loin de limiter la prostitution en la cachant à la bourgeoisie puritaine (pourtant participant bien souvent à cet esclavage moderne), et est contraint de ne surtout pas faire de ces lieux des maisons trop closes. La concurence avec la prostitution de trottoir l'oblige donc à attirer les hommes de l'extérieur vers l'intérieur des murs du bordel.

Souvenons-nous aussi que les maisons closes ont entretenu de très bons rapports avec le régime nazi, régime sous lequel les "casernes du sexe" fonctionnaient mieux que jamais et faisaient principalement la joie des officiers SS, de la gestapo, de la Wehrmacht, des collabos, des trafiquants et truands en tous genres, tous ces consommateurs de prostitué-es avaient même une place privilégiée qui leur donnait certains traitements de faveur que leur réservait (solidairement -sic! ) les entrepreneurs de la prostitution (qui, en bons opportunistes, ont vite fait de retourner leur veste dès la défaite nazie !). En effet, les bordels étaient partculièrement appréciés par les nazis et le leur rendaitent bien. Comme au One Two Two, qui accueillait allègrement les tortionnaires de la rue Lauriston (Bonny, Lafont, Danos et les autres) qui venaient reprendre leur souffle entre deux atrocités (en en commettant une troisième). A la libération, bien évidemment, les patrons des maisons closes acquierent une sale réputation. Malgré le retournement de veste de certains et l'engagement d'autres dans la resistance de la 25ème heure, les patrons des bordels ont l'image tachée d'ombres brunes dans les mémoires encore fraîches et ce fut le début la chute finale des réglementaristes de toutes sortes, initiée au début du XX ème siècle; la Croix Rouge Internationale et la Société des Nations avaient dénoncé les conditions sanitaires catastrophiques des maisons closes en 1881 au congrès de Coppenhague, en 1922 à Paris, et en 1923 à Varsovie, la Croix Rouge Internationale dénonce les maisons closes au nom de la santé publique. Dans les années 20 et 30, ce type d'alerte se multiplie. La Société des Nations publie en cette même période une enquête d'envergure internationale qui dénonce les formes modernes de l'exclavage des femmes, la puissance considérable des trafiquants internationaux et l'importance que revêtent pour eux les maisons closes. L'enquête fait l'effet d'une bombe dans les esprits. C'est la prise de conscience. Les villes de Colmar, Strasbourg, Nancy, suivies par de nombreuses autres décident de fermer leurs maisons closes. Les tenanciers des bordels contre-attaquent en contactans leurs amis de la haute sphère politique et policière. En 1925, ils créent l' "Amicale des maîtres d'hôtels meublés de France et des colonies" (on peut d'ailleurs se demander qui sont véritablement les meubles dont parle l' "Amicale" !). Cet organisme avait pour but de défendre au mieux les intérets des proxénètes et des tenanciers des bordels et se présentait au grand public et aux élus comme d'honnêtes commerçants oeuvrant pour la salubrité publique, octroyant quelques pots de vin lorsque ceux-ci demeuraient sceptiques.

Mais en 45, c'est la fin. Le système réglemtariste et ses défenseurs s'éffondrent; Le 12 mars 1945, le député Paul Boulet dénonce publiquement le "honteux système de réglementation de la prostitution, dernier vestige de l'esclavagisme", le 30 décembre 1945, Pierre Dominjon et plusieurs de ses collègues MRP déposent un projet de loi à l'Assemblée Nationale pour supprimer la tolérance administrative de la prostitution en France et le préfet du Nord décide la fermeture des bordels dans son département. Le 22 mars 1946, le ministre de la Santé et de la Population, Robert Prigent, dépose à son tour un projet de loi, celui-ci stipulant que "la maison de tolérance est inutile, sinon dangereuse du point de vue sanitaire. On ne saurait prétendre, d'autre part, qu'elle réponde à une nécessité sociale. On peut même affirmer que la maison de tolérance crée la clientèle en faisant naître l'occasion". Le texte innove également en parlant des conditions des victimes de la prostitution en dénonçant "un état de servitude contraire à la dignité humaine et à l'égalité des droits entre les sexes"

Le 13 décembre 1945, Marthe Richard dénonce avec fracas la situation des prostituées et le système alors en vigueur. Son intervention a été un renfort de choc pour les abolitionnistes. De par ses activités diverses (aviatrice, espionne, etc.), elle devient le symbole de la femme libérée. Elue au Conseil Municipal de Paris par la Résistance, elle a mené des enquêtes sur les maisons closes et le compte rendu est édifiant. Elle dénonce furieusement, malgré les menaces des proxénètes et des commissaires de police corrompus, les conditions de vie odieuses des prostituées.

Le 20 décembre 1945, le préfet de police Luizet s'engage à fermer tous les bordels d'ici mars 46. Le Conseil Municipal vote dans le même sens (69 voix pour, 1 voix contre) mais le ministre de l'Intérieur Le Troquet fait suspendre la fermeture des bordels de Paris, le 26 mars.

Retour donc à l'assemblée nationale, où la loi 46685 sur "la fermeture des maisons de tolérance et [le] renforcement de la lutte contre le proxénétisme" est enfin adoptée. Les abolitionnistes ont gagné. Ou presque. Le système prostitutionnel existe toujours (via la prostitution de trottoirs et la prostitution dite "de luxe") et dix jours plus tard, déjà, la toute neuve résolution se trouve entâchée d'un sérieux bémol avec la création d'un fichier sanitaire et social pour les prostituées. On parle à nouveau de "surveillance médicale", de "contrôle policier ". Un pas en avant, un pas en arrière ... c'était la politique d'hier. C'est encore celle d'aujourd'hui (en 2000, le parti politique "Les Verts" voulait relancer le débat en faveur de la réouverture des maisons closes !!!)

 

 

PATRIARCAT + CAPITALISME = PROSTITUTION

"Le plus vieux métier du monde", entend-on ici. "La prostitution est un mal nécessaire" entend-on par-là. Déjà, la prostitution n'est certainement pas "le plus vieux métier du monde". Le métier de sage-femme l'ayant battu en ancienneté. Ensuite, sous le fait que la prostitution existerait depuis longtemps suffirait-il à la légitimer ?? Face à la barbarie humaine, aux guerres de religions, aux "purification ethniques", aux exterminations en tous genre, aux tortures, bref, à toutes les horreurs de l'Histoire, doit-on fermer les yeux sous prétexte que ces horreurs ont existé longtemps avant nous ??! Quand un tribunal juge un violeur, doit-il classer l'affaire sans suite sous prétexte que le viol est une pratique ancienne ??????!!!!!!!!

L'affirmation que la prostitution serait "le plus vieux métier du monde" n'est ni véridique ni une raison pour qu'elle se perpétue. Quand à l'affirmation bien discutable "La prostitution est un mal nécessaire", comme l'affirme le psychiatre allemand Krafft-Ebing "Si c'est nécessaire, c'est un bien. Si c'est un mal, ce n'est pas nécessaire". Le point de vue des défenseurs et des défenseuses de la prostitution prétendent que les prostituées permet d'éviter une catastrophe sociétale qui se traduirait par des viols et violences à tout va à l'encontre des femmes. Cet argument est tout bonnement irrecevable. Il implique que des personnes devraient servir d'exutoires de toutes leurs frustrations et violences pour préserver la population (dont elles ne font donc dores et déjà plus partie).

Premièrement, cet argument ne repose sur rien si ce n'est sur les arguments développés par les proxénètes eux-mêmes pour justifier leur commerce. Donc rien de solide.

Ensuite, devrait-on désigner un quotas de personnes à descendre pour extirper les pulsions meurtrières des psychopathes et ainsi protéger le reste de la population d'éventuels carnages ??????

De plus, cette même société fabriquent des fantasmes volontairement inassouvissables pour vendre des solutions factices à la population (ici, le porno et la prostitution)

D'ailleurs, serait-ce bien sain-e d'encourager la mise en application de prétendues "pulsions incontrôlables" dès lors qu'elles nécessitent l'utilisation d'une personne comme comme esclave à plaisir, comme un exutoire, un objet, une chose, au lieu d'envisager une psychothérapie ??

Si ce point de vue (celui des "pulsions incontrôlables des hommes") était vrai (ce qui est bien sûr-e bien loin d'être le cas en réalité et qui ne repose absolument sur rien d'autre que des slogans commerciaux faits par des proxo pour vanter les mérites de leurs produits), cela signifierait qu'un tel problème sociétal devrait les écarter de la vie active et de la scène politique. Cela signifierait que tous les hommes devraient être internés psychiatriquement et complètement rééduqués.

Bien sûr-e, cette idée de "pulsions incontrôlables" dictée par les fameuses hormones mâles n'est rien d'autre qu'une vaste supercherie crée et perpétuée par le machisme, et par l'existence même du système prostitutionnel, lui-même créé, défendu et entretenu par le patriarcat et le capitalisme (celui-ci étant basé sur les valeurs marchandes, le profit et l'exploitation de la misère, qu'elle soit d'ordre affective ou économique).

Le système prostitutionnel repose sur une somme d'idées toutes faites qui se transmettent de père en fils mais aussi de mère en fille. Or chaque fils et chaque fille peut s'informer, s'éduquer pour transmettre à son tour d'autres valeurs.

Nicole Castioni reçut une éducation composée d'idées fortement sexistes et forgea son adolescence à partir de ces repères. Ainsi, lorsque son "ami" l'a mise à 21 ans sur le trottoir et l'abreuve de discours misogynes, elle pensa tout naturellement "Si je dois réussir dans la vie, ce sera par mon corps. L'intelligence, c'est pour les garçons. Mon père a forcément raison." et elle déclarera plus tard, au sujet de son ex "ami" "Son discours constamment péjoratif sur les femmes ne me gênait pas: c'était celui que tenait mon père et la plupart des hommes que j'ai connus"

De même, certaines idées sont toujours tenaces, bien que moins répandues : "une fille mal notée en classe pourra toujours trouver un mari riche" , "Dans un couple, la femme doit sacrifier sa carrière pour suivre celle de son mari" . Cela conduit les jeunes filles des milieux les plus défavorisés à attendre l'homme qui les fera vivre; l'époux ou... le proxénète.

Pendant longtemps, les garçons ont été élevés dans l'idée que le domaine sexuel était le leur exclusivement et qu'il n'y avait donc pour eux aucune limite. "Un garçon, ça risque moins". Moins quoi? Peu importe. L'essentiel est qu'il ne risque pas de tomber enceint. Les années 70 et l'avènement de la pillule ont fait disparaître la terreur de tomber enceinte chez les filles. Le moment était venu d'instaurer une liberté égale entre les deux sexes, assortie d'une éducation tout aussi égale sur le respect de soi-même et de l'autre. Pour certain-es jeunes, ce fut effectivement le cas, mais pas pour tout le monde. Nadine Plateau écrit "Si la révolution sexuelle s'est opposée avec raison à la peur ou au dégoût du sexe, elle n'a pas aboli lesexisme dans les rapports sexuels" . Elle ajoute "Le patriarcat moderniste pervertit le message libérateur du féminisme en décontextualisant ses revendications les plus fortes: ainsi, le droit à disposer de son corps, exigence élémentaire des femmes, devient le droit de le vendre."

Le Livre Noir de la Prostitution nous dit sur la pornographie : "En nous présentant une image mensongère des envies et des besoins sexuels des partenaires, et notamment de la femme, la pornographie cherchent à entérinerplusieurs idées: tout d'abord, le sexe extérieur (celui de l'homme) est plus puissant que le sexe intérieur (celui de la femme). Ensuite que la femme n'est heureuse qu'au service de ce sexe tout puissant, dût-elle passer par la souffrance, pour atteindre une évidente béatitude."

Pauline Jeanne écrit (dans Prostitution et société, n°94, juillet août septembre 1991):"Généralement accompagnée d'humiliation ou même de cruauté, la relation sexuelle pornographique est toujours imposée par l'homme et tend à convaincre le spectateur que toute femme n'a de plaisir que battue et violée, qu'elle vit dans une admiration éperdue des capacités sexuelles de l'homme (...) L'image faussée -voire carrément inversée- de la femme que véhicule la mythologie pornographique, celle-làmême qui fascine le voyeur invétéré, est un mensonge qui pénètre profondément dans son esprit, au point de structurer son attente et son attitude à l'égard de l'autre sexe. Si l'on en croit cette mythologie, la femme jouit d'être l'instrument des fantasmes primitifs et agressifs de l'homme. Même lorsqu'àun niveau intellectuel, le porno-addict se rend compte du caractère illusoire et faux de ce mythe, il ne peut s'en détacher tout à fait au niveau émotionnel. "

Le philosophe Alain Finkelkraut ajoute : "Le monde féminin est à disposition, l'homme est maître et possesseur de la femme. Ce que l'image pornographique réalise c'est en quelque sorte le rêve de l'arraisonnement de la femme à l'homme"

La pornographie utilise le prétexte de la liberté des moeurs et celui du modernisme (en est-ce vraiment un ?) pour propager les messages les plus réactionnaires qui soient et a ses ardents défenseurs hurlant à la censure si l'on ose en désaprouver l'existence.

Guy Hénaut s'interroge... Il constate que "le racisme, l'appel à la violence, l'apologie du crime, tombent sous les coups d'interdits très stricts en matière de publication, à cause du danger potentiel qu'ils représentent pour l'ordre public." et se demande bien pourquoi la pornographie y échapperait alors même qu'elle est un appel au viol.

Des études menées aux Etats-Unis auprès d'étudiants ont montré que la consommation de films pornographiques les rendaient étrangement indulgents à l'égard du viol et dégradait leur images des femmes.

Le Livre Noir de la Prostitution dit :"Il est évident que la pornographie utilise les mêmes ressorts que la prostitution, l'un créant l'envie que l'autre se propose d'assouvir"

En fait, c'est bien plus que cela car la pornographie ne met pas en scène des prostituées mais des femmes de toutes sortes, suggérant "n'importe quelle femme est disponible à tout moment et pour n'importe quel homme." En d'autres termes, "toutes sont des prostituées et lorsqu'elles disent non, en fait, elles en meurent d'envie mais ne le savent pas encore". Ce qui ne conduit bien moins le porno-addict à consommer des prostituées qu'à s'en prendre à des femmes non prostituées, et si elles refusent, à les y convaincre par tous les moyens, y compris par la force si ellil le faut, il a déjà vu faire dans le porno. Mais par contre, le porno, modelant l'esprit du porno-addict jusqu'à ce qu'il méprise suffisemment les femmes pour les traiter en objet, ellil n'y a qu'un pas à faire pour se servir d'elles pour gagner de l'argent. En d'autres termes, le porno forme davantage à devenir proxénètes que des consommateurs de prostitué-es. Du coup seuls les coincés ou les personnes physiquement amoindries (handicapées physiques), ne possédant pas assez d'aisance émotionnelle ou physique et ne pouvant donc pas violer ou mettre des filles de force sur les trottoirs, se contentent de consommer des prostituées, comme exutoire de leurs frustrations et comme substitu : ne pouvant être proxénète, on devient """"""client""""""".

Nicole Castioni (dont nous avons parlé plus haut) est une ancienne prostituée devenue députée européene. Elle déclare: "L'éveil à la conscience politique m'a fait comprendre que ce qui m'était arrivé n'était pas de l'ordre du destin, de la fatalité, mais qu'il y avait , derrière, tout un système, une société qui permettait qu'il y eût des enfants violés et des filles vendues sur le marché de la chair"

"Il faut comprendre que ce n'est pas l'habit qui fait la pute mais, dans certaines circonstances, le simple fait d'être une femme"

Ce ne sont pas les proxénètes qui diraient le contraire: ceux-ci partant du principe que "toute femme est prostituable". Et la société pense la même chose lorsqu'elle entérine certains réflexes. En 1999, en plein coeur de Paris, le fameux restaurant Le Fouquet's refuse l'entrée à deux femmes parce qu'elles ne sont pas accompagnée d'un homme et sont donc susceptible d'être des prostituées ! En été 2002, le gouvernement français incrimine chaque femme et ordonne son arrestation pour peu qu'elle soit vêtue de manière "légère", serait maquillée et aurait rendez-vous avec une personne, sous prétexte que ce pourrait être une prostituée. Autant dire beaucoup de femmes, car en été on s'habille toutes et tous plus légèrement (ellil fait chaud !), on a souvent rendez-vous dehors avec des ami-es, et les femmes se maquillent en principe plus que les hommes (ne nous demandez pas pourquoi, nous l'ignorons ... enfin, pas vraiment en fait). Sarkozy a bien parlé de critères précis dont seraient informée la police. Nous ne savons pas à quels types de critères Sarkozy fait allusion... Il n'en a pas dit plus... Ah oui, comment a-t-il intitulé sa loi au fait ? Le "raccolage passif"

En d'autres termes, toutes les femmes maquillées, habillées léger, attendant un-e ami-e et étant emmerdée par des baveux (comme c'est souvent le cas) risque non seulement de ne pas espérer que les pourris qui l'emmerdent soient inquiétés par les flics, mais au contraire, elle a à craindre d'être arrêtée par la police et traitée de "pute", qui plus est devant les baveux qui l'emmerdaient. C'est une autre manière de rendre les femmes responsables des violences et agressions qu'elles subissent au quotidien, Une autre manière d'éviter de changer les mentalités, une autre manière de l'institutionaliser et lui donner une forme d'approbation politique, une autre manière de les traiter officiellement de "putes" !

En toute logique, dans la triangulaire de la prostitution (prostituée, proxénète, consommateur) ce dernier devrait être la personne la personne facile à appréhender, mais il n'est ni traqué par la loi ni par la morale (ou si peu).

Tout le monde sait que la prostitution compte 1 000 000 de consommateurs en France. Mais personne ne connaît leur identité. Ils sont le masque de fer de la prostitution. Ils sont ceux dont la prostitution prend grand soin: santé, sécurité et discrétion assurées.

Le consommateur ou l'éternel absent. Toujours anonyme, toujours invisible, toujours dans l'ombre. Toujours libre aussi.

Si l'on veut lutter efficacement contre la prostitution, ellil convient de s'attaquer à ses racines: les proxos et les consommateurs, car si l'on se réfère à la loi de l' "offre" et de la demande, les prostitué-es n'existeraient pas sans le """"client"""" et, partant de là, pas de proxénètes sans les prostituées. Mais si l'on prend la LOI, le problème devient quelque peu surréaliste: pénalement parlant le """"" client""""" n'existe pas ....

Les consommateurs de prostituées, les crocodiles, comme les appellent les enfants victimes de prostitution, ne possèdent aucun signe particulier si ce n'est le même mépris pour les femmes. Ca peut être monsieur papa qui s'octroie une petite escapade après sa journée de bureau, avant de rejoindre son épouse et leurs gosses, ça peut être monsieur prolo qui s'envoie en l'air entre deux boulons d'usine, ça peut être monsieur bourgeois qui se relaxe après sa partie de golf, ou encore monsieur cinéma qui se fait un porno sans la caméra, bref... le profile type n'existe pas. Le consommateur de prostituées est multiforme. C'est le "fatigué", l' "insatisfait" de la routine conjugale, le "trop timide", le "trop complexé", le "handicapé physique", le "handicapé psychique", le "gars de la caserne", le "veuf écrasé", l' "explorateur de fantasmes inassouvis", le "naufragé d'un amour brisé", ... N'IMPORTE QUI.

Suzanne Képès, médecine et psychothérapeute affirme : "Ce qui pousse les clients, ce ne sont pas les besoins sexuels... Ce sont des fantasmes à accomplir... Il n'y a aucune différence fondamentale entre le client des adultes et le client des enfants. AUCUNE. C'est juste une question de degrés"

Tous ces hommes ont pourtant un point commun: ils paient.

"Quel que soit le type psychologique du client des femmes prostituées, un trait leur est commun: leur mépris profond pour ces femmes dont ils louent les services. Pour eux, la femme prostituée est un "corps sans âme". Au moment de l'acte sexuel, elle ne peut être que cela. Parfois peut-être, après, un vague sentiment de honte et de faute affleurera dans sa conscience, conséquence d'une attitude auto-érotique. Mais aussitôt vient l'excuse: c'est elle la responsable, puisque c'est elle qui a "choisi" cette manière de vivre; manière facile de projeter sur l'autre sa mauvaise conscience. "J'ai payé, nous sommes quittes." Il n'y a plus rien entre cette femme et lui. Rien ne les lie plus l'un à l'autre, tout comme rien ne lie le client au commerçant qui vient de lui vendre sa marchandise. L'argent donné à la prostituée est la négation de la relation interpersonnelle exigée par une sexualité normale. Il est aussi le moyen de se libérer de toute culpabilité où elle est consciente, et de maintenir ainsi l'illusion d'une bonne conscience."

Le Livre Noir de la Prostitution.

 

 

Si seulement ils savaient ...

 

Le consommateur de prostituées croit qu'il se branle dans un corps vide, sans esprit, sans conscience, sans émotion ... c'est sans doute parce que les prostituées tentent de préserver tout cela, de se préserver elles-mêmes. Elles s'efforcent de séparer leur corps de leur esprit. Au crocodile, elles ne donnent que leur corps. Pas leur esprit. Puisque de toutes façons c'est la seule chose qui les intéresse.

Pourtant c'est bien dans une personne vivante qu'ils se vident, c'est bien une personne vivante qu'ils traitent comme un objet inerte, une poupée gonflable. Si ils savaient ce qu'elles pensent d'eux. Si seulement ils savaient ...

S'ils savaient ce que dit Laurette :"Je voulais me venger à travers tous ces hommes de ce que je subissais. Pour moi, le client n'était qu'un portefeuille en marche qu'il fallait stopper et voler. Pour lui, j'étais l'exutoire à ses fantasmes, le sexe universel où l'on déverse le trop-plein de ce qui vous ronge. Ils ont honte d'être vus. Souvent ils se cachent, nous faisant monter devant. Nous sommes un besoin mais en même temps, il faudrait que nous ne soyons pas là. Aucun d'eux n'oserait avouer qu'il fréquente des prostituées. Ils nous en veulent de leur soutirer de l'argent et nous, nous avons la haine d'être soupesées, estimées à tant d'argent comme des marchandises ... le client s'avilit en montant avec une prostituée, mais pour ne pas s'avilir seul, il la paie. Pour lui, c'est peut-être moins lourd à porter mais pour moi, c'est atroce.Même le client habitué avec qui on se sent plus à l'aise, j'ai toujours la sensation d'être violée, salie, et même après trois ans, j'ai encore cette sensation de dégoût ..."

A San Francisco, depuis mars 1995, lorsque les consommateurs de prostituées sont arrêtés, ils peuvent choisir entre l'inculpation avec des travaux d'intérêt général, ou une amende de 500 dollars et une journée à "l'école des clients". L'école des clients fait partie du "Programme pour les délinquants primaires de la prostitution". Ce programme a été créé par Norma Hotaling, une ex-prostituée, en collaboration avec le procureur de San Francisco, un officier de police et des médecin-es du département de la Santé. A l'école des clients, les consommateurs de prostituées se retrouvent face à une prostituée (qui se tient à la tribune) qui lui disent ce qu'elles pensent et n'ont jamais pu dire sur eux.

" Je vous haïssais ! Je voulais vous planter à coups de couteau !"

La leçon dure huit heures. Elle est impitoyable, éprouvante, humiliante et, d'après les statistiques de la police, spectaculairement efficace. En 1999, après quatre ans d'existence, on ne comptait que 18 récidives sur 2 181 anciens de l'école. D'autres villes comme Las Vegas ou Nashville, impressionnées par le résultat se dotent de formules semblables. Mais la répression seule ne résoud pas totalement le problème. La prévention est aussi nécessaire pour ne pas que d'autres consommateurs de prostituées n'apparaissent. Des campagnes de sensibilisations médiatiques, des changements en profondeur des discours de la société, d'influencer et modifier les structures sociales et culturelles. Bref, tout un travail est nécessaire pour mener à bien ce combat et libérer ces femmes victimes de la prostitution, par la réinsertion, entre autres.

 

LA FAUSSE ALLIEE, LE PIEGE

La prostitution a trouvé une complice: la drogue.

La drogue (crack, cocaïne ...)a bouleversé les modes de pensée, le comportement, les traditions et les pratiques prostitutionnel-les. Au début, les proxos interdisaient à leurs esclaves la consommation de drogues (considérant qu'une camée est moins attirante). Puis, ils y ont trouvé un certain profit et de nombreux avantages. Pour la prostituée, la drogue lui permet de tenir le choc. Pour le proxo (qui souvent la lui fournit) un formidable moyen de chantage pour lui faire faire beaucoup plus de passes. De plus, droguée, la prostituée, complètement déconnectée, peut assouvir les fantasmes les plus tordus des consommateurs. Ces nouvelles pratiques coûtent bien sûr-e plus cher, pour la grande joie des proxos.

Christelle: "Avec le premier client, je suis descendue de la voiture en courant. Impossible. Les autres filles m'ont dit de boire, que ça m'aiderait. C'était vrai. Pour pouvoir y aller, il fallait que je prenne quatre ou cinq martinis... La drogue, une fois, j' ai goûté. Deux semaines après, j'étais déjà en manque.Il fallait attendre le soir pour que les dealers passent. C'était l'angoisse permanente... Avec la drogue, je découvrais que tout devenait facile: les contacts avec les clients, leur soutirer tout le fric possible. Là où j'aurais fait 1 000 francs sans rien prendre, je faisais 2 500 ou 3 000 francs avec de la drogue. J'avais beaucoup plus de culot et honte de rien ... Au début, j'ai pris de la drogue pour travailler, et puis très vite j'ai travaillé pour la drogue."

Le crac et la coke (sous forme de petits cailloux) circule. Chaque dose est assez bon marché, mais les effets sont rapides et laissent le sujet en état de dépression de plus en plus insupportable. De multiples prises sont donc nécessaires: vingt à trente fois par nuit.

"Des jeunes femmes en viennent à ne plus dormir pendant quatre ou cinq jours, à se prostituer sans arrêt jusqu'à ce qu'elles tombent, chaque billet finançant un nouveau caillou. Plus question de payer une chambre d'hôtel ... Privation de sommeil, sous-alimentation, errance, l'abandon de soi est total ... Les injections créent des abcès épouvantable chez les femmes qui se piquent n'importe où ... les seringues circulent à l'aveuglette ... Il s'agît là de situations tragiques, véritablement meurtrières. Si les associations bougent, tentent l'impossible pour limiter les dégats, la police et les politiques pratiquent régulièrement le coup de balai dans le seul but de pousser le problème chez le voisin."

Prostitution et société n°110

Selon le Journal International de la Médecine, les prostituées ne souffrent pas, pour la plupart, du Sida, mais d'autres ; l'hépatite B, les infections pulmonaires ORL (ellil fait froid sur les trottoirs). Certaines présentent de multiples pathologies: Sida, hépatite B ou C, hepès, abcès dus aux injections de drogue, infections génitales, gingivites ou encore délabrement dentaire (un des effets de l'héroïne).

 

 

 

Au niveau européen, les Pays-Bas, chefs de file du réglementarisme et partisans d'une prostitution organisée comme un service public, sont parvenus à entériner la notion de "prostitution forcée" dans les textes internationaux, à commencer par la déclaration finale de la Conférence mondiale de Pékin (1995). Cette notion sous-entend l'idée d'une prostitution "libre", qu'ellil s'agît désormais de professionnaliser, paravant de la dépénalisation du proxénétisme. Le proxénétisme n'aurait même pas osé rêver cela. Les victimes de la prostitution doivent désormais prouver la contrainte dont elles ont pu faire l'objet ! Des différeniations sont établies entre prostitution adulte et enfantine, prostitution des femmes européennes et des femmes étrangères. Ce qui est un crime à 16 ou 18 ans moins un jour, devient un banal acte commercial et légal, toute éthique balayée. Ce qui est légitime dans les pays du Nord est à combattre dans les pays du Sud. Toutes les différenciations en matière de lutte contre certaines formes de prostitution ont pour fonction de légitimer la prostitution en tant que telle. Marie-Vitoire Louis (1997) récuse ainsi toute distinction entre prostitution libre et forcée "Qui oserait justifier l'apartheid par le consentement de certains à leur servitude ?" et défend un véritable projet politique de refus de toute marchandisation du corps et de la sexualité

L'Union Européenne s'organise pour lutter contre "le trafic illégal des personnes" pour ouvrir la voie au "trafic légal des personnes" , tournant ainsi le dos à la Convention de l'ONU de 1949 "pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui" qui affirmait dans son préambule que la prostitution est "incompatible avec la dignité et la valeur de la personne humaine". Un texte auquel la France abolitionniste a jusqu'ici montré son attachement. Dans ce décor, la politique suédoise tranche violemment et ouvre une troisième voie. Dès le 1er janvier 1999, l'achat de "services sexuels" est interdit. La répression vise les clients, passibles de six mois d'emprisonnement, et non les personnes prostituées. Cette décision s'inscrit dans une série d'actions menées contre la prostitution, dont l'une des plus originales est de proposer aux clients des services d'écoute téléphonique ou des entretiens avec des psychologues. La Suède est ainsi le seul pays à dénoncer la prostitution comme une violence faite aux femmes et à l'intégrer dans son action politique et législative "pour la paix des femmes"

La ministre de l'Egalité des sexes, Margaretha Wimberg déclare "Traiter une personne comme une marchandise, fût-ce avec son consentement, est un crime". C'est là l'ouverture d'une nouvelle voie.

"La prostitution a trop longtemps été la "fatalité" des femmes, entérinant l'idée que leur corps est perpétuellement disponible pour le plaisir de l'autre, qu'elles sont des êtres de "nature" soumis à leur sexe, voués au service et au mépris, assujettis aux soi-disant besoins des hommes, exclus du règne de la pensée et de la culture. A l'aube du XXI ème siècle, comment lutter pour la parité sans combattre la prostitution ?"

Le Dictionnaire Critique du Féminisme.

 

 

(Le Livre Noir de la Prostitution, d'Elizabeth Coquart et Philippe Huet, Editions Albin Michel, 2000)

 

  Le Dictionnaire Critique du Féminisme, de Hélène Le Doaré, Françoise Laborie, Danièle Sénotier et Helena Hirata, Editions PUF, 2000)