Abandonnée
par son entourage, seule, sans réconfort et sans protection,
la jeune fille violentée adoptera deux types d'attitude selon
son caractère. Elle se reprochera d'avoir rompu l'harmonie
familiale, s'en voudra d'exister, ce qui la conduira à connaître
ce sentiment de "ne rien valoir". Ou alors elle se révoltera
contre son entourage mais aussi contre elle-même, au risque,
ou inconsciemment au but de se détruire. Ces deux attitudes
qui se rejoignent conduisent à la rupture et à l'errance,
ce qui est un facteur majeur de risque prostitutionnel.
"
Nicole s'est vengée plus tard. Sur elle-même. Elle
s'est droguée à en crever, elle s'est faite pute à
en crever. La femme que j'étais devenue à vingt ans
devait faire payer à la petite fille son silence. Vendre
mon corps me vengerait de l'avoir laissé prendre... "
Claude,
31 ans, 6 ans de prostitution dans les bars, à Paris et en
Belgique, raconte : "
N'importe quelle situation de conflit familial peut amener à
la prostitution. On n'identifie pas tout de suite le proxénète
; quand on a compris à qui on a affaire, c'est souvent trop
tard ! "
L'enquête
de l'ANRS indique que les jeunes prostitué-es se sont installé-es
dans un processus de marginalisation et d'exclusion, se coupant
des réseaux d'insertion existants.
" Le milieu
prostitutionnel représente un mode de vie très spécifique.
Les valeurs sont différentes. Le langage est particulier.
Les relations et le temps s'écoulent d'une autre manière.
Très vite on se retrouve coupé-e de la société.
On est dans un ghetto... Avec le temps, la nouvelle (ou le nouveau)
se fait une certaine place, elle est reconnue et a des liens qui
se nouent dans le milieu... Plus le temps passe et plus la distance
se fait grande entre son univers et le reste de la société.
"
"
Les proxénètes choisissent des gamines qui sont placées
dans des foyers, raconte Violette. Ils tourneront autour... En général
ils sont pas mal et beaux parleurs. Ils disent tous avoir de très
bonnes situations. Ils séduisent la gosse, l'invitent à
prendre un café, puis l'emmènent en week-end à
Deauville ou à Biarritz, la gosse tombe amoureuse, le proxo
lui achète une bague, des belles robes et des beaux manteaux
qu'elle n'a jamais eus. Ces gamines qui n'ont rien connu à
part la tristesse de leur vie, croient au prince charmant... Quand
il sent que la gosse est bien accrochée, il se dit en faillite
et propose à la gosse de l'aider en se prostituant : c'est
pour trois semaines ma chérie, n'aie pas peur, juste trois
semaines, cela me dépannera. Il y a des petites filles qui
disent oui de suite, et dès qu'elles font le premier client,
c'est fini, elles tombent dans la prostitution. Si la fille refuse,
elle est frappée ; il faudrait qu'elle ait la force de s'en
aller vite et très, très loin. (...) Il faudrait faire
des réunions dans les foyers et parler à ces enfants.
%Mais absolument rien n'est fait dans la ville. Il faudrait montrer
des films, les commenter, avec des filles qui ont été
massacrées par des procénètes. Le gros défaut
des foyers est que le matin à 8 heures, les jeunes filles
doivent être dehors."
Hamou
Hasnoui, psychosociologue, évoque : "
D'une part, des actions en direction des jeunes : développer
l'écoute psychologique préventive, diversifier et
adapter des dispositifs d'accueil en tenant compte de la mobilité
et de l'errance, développer et adapter les outils d'information.
D'autre part, il faudrait développer une aide matérielle
pour les jeunes en situation d'urgence, et mieux prendre en compte
les problèmes de santé. Mais il serait de la responsabilité
de l'Etat de mener des actions globales de prévention, par
exemple dans les collèges ou les lycées. On y parle
toxicomanie, sida, mais pas prostitution, qui reste un sujet tabou.
On ne s'intéresse qu'au visible. On est préoccupé-e
par la prévention de la délinquance, mais pas celle
de la prostitution, qui est invisible. "
Dans
la plupart des cas, les jeunes prostituées l'assurent avec
force : ce " travail " est temporaire, et il
n'a qu'un but : gagner de l'argent. Pour l'homme de leur vie, ou
pour elles-mêmes. Pour s'établir, pour s'offrir le
superflu et... pour se venger. " Dans ce monde, on ne vous
respecte pas, affirme Sandrine. L'argent est une réparation.
" " On se disait qu'on allait mettre de l'argent de côté
et ouvrir un petit commerce " ; " Je n'éprouve
absolument aucun plaisir, c'est clair. Mais je suis très
matérialiste ", affirme Christelle qui, avant de choisir
son peep-show, a fait le tour des différentes boutiques,
demandé les tarifs, examiné la tête de l'animateur,
comparé le confort des cabinets. "
Il faut dire que j'étais habituée : pendant 3 ans,
presque chaque jour, j'ai regardé des films X ",
et Christelle poursuit. A 13 ans, elle est ce qu'on appelle une
adolescente difficile. Elle ne réussit pas à communiquer
avec sa mère et ne s'entend pas avec son beau-père.
Elle rencontre un homme, par l'intermédiaire d'une amie,
qui a tout ce qu'elle cherche : 40 ans, " père protecteur
" , il prend le temps de l'écouter, de la comprendre...
En fait le monsieur, propriétaire d'une boîte d'échangistes,
prostitue son épouse et envisage de mettre Christelle sur
le trottoir lorsqu'elle sera majeure. En attendant, il la forme
par " cours particuliers " et projections régulières
de films pornographiques. Cette relation dure 3 ans. La jeune fille
est fascinée, manipulée, destabilisée, mais
accepte de plus en plus mal cette relation. En famille, elle essaie
d'exprimer ce désarroi par la colère, les fugues à
répétition, et se fait renvoyer de plusieurs établissements
scolaires. Et un jour : " j'ai tout dit à ma mère.
Elle est tombée par terre. Elle ne s'y attendait absolument
pas. Pourtant j'avais un comportement complètement anormal.
" Les parents portent plainte, l'homme est incarcéré
: 4 ans ferme. Christelle, libre de vivre sa vie, se retrouve, pour
la gagner, dans un cabaret, puis dans un peep-show. "
Je domine la situation, affirme Christelle. Le client est piégé
: il n'y a pas d'acte sexuel. " Le travail de la jeune fille
est de satisfaire visuellement tous les désirs des hommes,
dans des cabines à pièces où, si le client
ajoute quelques billets, dans des salons. Bien sûr, c'est
destabilisant d'entendre tous ces fantasmes de mecs. C'est finalement
très triste. Et puis certaines filles qui travaillent avec
moi vont très mal, et cela me désespère. J'aimerais
tout prendre sur moi. Personnellement, la douleur ne me fait pas
peur, je ne crains pas de souffrir : j'ai l'habitude. Alors un peu
plus ou un peu moins... De toute façon, c'est foutu d'avance.
"
Une
prostituée dit :
" J'essaie de
ne pas penser, et je compte combien j'ai gagné. "
Une
autre : "
L'argent est une réparation ".
Une
troisième :
" L'argent c'est
un peu de pouvoir ".
LA
PROSTITUTION DES HOMMES
La
prostitution voit de plus en plus de garçons proposer ses
"""services""". Pourtant,
la prostitution masculine existe depuis bien plus longtemps que
le patriarcat ne veut bien le reconnaître ; selon Le Livre
Noir de la Prostitution, "
la prostitution masculine a toujours été considérée
comme une transgression dont il valait mieux ne pas parler. Une
transgression des moeurs, mais aussi des idées reçues
: une femme, éternelle seconde du champ social, au service
du sexe dit fort, c'est presque dans l'ordre des choses. Mais un
homme ! " La
prostitution masculine, on en parle peu, mais le peu qu'on en parle,
on en parle mal. Quantité d'idées reçues, d'amalgames
et clichés en tous genres viennent se coller aux mots "prostitution
masculine " : les prostitués ne sont pas spécifiquement
étrangers, mais bien au contraire, majoritairement d'origine
française. Ce cliché de prostitués étrangers
sert surtout beaucoup les vieux principes fossilisés de l'extrême
droite et de ses alliés ("Ah, ces étrangers qui
corrompent notre beau pays"). Comme chez les filles, ellil
est cependant vrai-e que l'on assiste récemment à
une arrivée massive de jeunes pré-adolescent-es venu-es
des pays de l'est, ceci est rendu-e possible """grace"""
à la misère qui résulte du système capitaliste.
Des Roumain-es que l'on trouve la plupart du temps dans les gares.
Pour les garçons aussi, les abus sexuels subis dans l'enfance
jouent un rôle important. "
Plus d'un tiers des prostitués que nous avons rencontrés
ont été victimes de viols (il est probable que le
chiffre serait plus élevé si nous connaissions mieux
l'enfance de ces garçons). Même s'il n'entraîne
pas l'énorme culpabilité que ressentent les filles
qui ont été violées, il est incontestable que
le viol les a vivement marqués. "
Les
prostitués se disent parfois hétéros ou bis.
Cela implique qu'ils sont censés satisfaire également
la demande féminine. Certains couples s'adressent effectivement
à eux, mais cela reste très rare, et l'écrasante
majorité des consommateurs de prostitué-es sont des
hommes. "D'ailleurs,
la plupart des prostitués sont homosexuels. Souvent cette
homosexualité, ou plus exactement le rejet qu'elle engendre,
est responsable de l'entrée des plus vulnérables dans
la prostitution. C'est par réaction à un rejet familial
et social, parfois très précoce, empêchant la
reconnaissance de leur identité (homosexualité par
exemple) que les jeunes garçons arrivent à la prostitution.
Face à cette exclusion, les garçons réagissent
souvent avec provocation, s'affirmant " pédés
" haut et fort. Mais en réalité ils se sentent
perdus, finissent par penser qu'ils sont pervertis, jusqu'à
considérer la prostitution comme un moindre mal. "
La
prostitution des garçons comprend 3 " modes d'entrée
" :
*
les jeunes connaissant les problèmes familiaux ou placés
dans des foyers, et qui sont en fugue. Ayant besoin d'une aide matérielle
pour se nourrir et dormir, mais également en grande carence
affective, la prostitution leur semble être un bon moyen de
résoudre ces trois problèmes.
*
les drogués qui ont besoin d'argent pour acquérir
leur dose. On y rencontre bon nombre d'hétéros qui
n'ont trouvé que cette solution " en fermant les yeux,
en imaginant que c'est une femme..."
*
ou simplement des jeunes en galère qui veulent se faire du
fric rapidement.
Précision
importante : une grande majorité des prostitués non
toxicomanes, s'initie aux stupéfiants après leur entrée
dans la prostitution.
"
Les prostitués sont jeunes et leur temps de "carrière"
est limité. Bien plus que celui des prostituées. Au-delà
de 30 ans, voire 25 pour les plus marqués, un prostitué
n'a plus rien à espérer. " Un mec t'achète
avec son argent ; quand il voit que tu es trop vieux, il prend le
plus jeune." Le "client" est en effet intéressé
par les garçons imberbes, très juvéniles. L'avenir
de ceux qui n'ont pas pu s'en sortir à temps est terrifiant
: " la majorité de ceux qui ont plus de 30 ans et qui
sont à la fin de leur carrière, n'ont pas pu rencontrer
de personnes pour les "entretenir." Beaucoup font usage
de drogues, d'autres tapinent à la gare du Nord, ou à
Jean Jaurès, où ils peuvent encore trouver quelques
"clients". Ils n'ont plus le choix du "client",
ni de la pratique, ni du prix. On les repère parmi ceux qui
répondent à la demande scatologique, par exemple,
ou qui vont avec un "client" pour un sandwich. Quand ils
sont dans cette phase, on comprend que la prévention du sida
ne compte guère. "
Les
proxénètes, en général, préfèrent
se servir des femmes plutôt que des hommes (dont la """"carrière""""
est plus courte, et donc rapporte moins). Les prostitués
parlent rarement de proxénètes, certains même
prétendent ne pas en avoir, mais évoquent des
protecteurs qu'ils doivent payer.
Des
prostitués n'ayant pu quitter "à temps"
la prostitution peuvent dériver vers le travestisme afin
de continuer à louer leur corps : " les """"clients""",
surtout hétérosexuels, demandent un homme déguisé
en femme. Les garçons qui se prostituent se travestissent
pour avoir plus de succès. "
DES
ENFANTS A LOUER ET A CONSOMMER
Un
million d'enfants entre chaque année dans le marché
du sexe, selon l'UNICEF. Et le chiffre d'affaires mondial s'élève
à plusieurs milliards de dollars. Beaucoup d'entre elleseux
s'y retrouvent par contrainte physique, après avoir été
enlevé-es, vendu-es, violé-es... Chaque année,
des adultes de plus en plus nombreux se croient autorisés
à abuser de ces enfants. Certains de ces adultes sont pédophiles,
d'autres par peur du sida, pensant à tort qu'un-e jeune prostitué-e
ne peut pas être contaminé-e, et d'autres enfin par
désir "exotique" .
Les
consommateurs d'enfants sont souvent les lecteurs de guides touristiques
incitant explicitement au tourisme sexuel, comme ceux édités
par John Stamford, ancien prêtre anglican d'origine écossaise,
poursuivi à la suite d'enquêtes d'infiltration du réseau
et de plaintes déposées par des ONG. Un procès
a eu lieu en novembre 94, procès qui a sensibilsé
les médias et, par leur intermédiaire, le public.
Procès exemplaire à bien des égards : il illustre
le fait que la prostitution enfantine n'est pas un phénomène
exclusivement pratiqué dans les pays en voie de développement,
mais que dans l'ensemble de l'Europe, des réseaux se créent.
Il illustre aussi le fait d'une provocation isolée, mais
bien de toute une industrie. Le procès Stamford porte aussi
sur la pornographie ( qui est une tentative de détournement
de la liberté d'expression au profit de l'exploitation sexuelle
des plus vulnérables). Ce procès, c'est la fin de
l'immunité. C'est l'évocation des difficultés
et des souffrances rencontrées par des victimes lors des
dédales judiciaires. Ce procès, enfin, c'est le début
d'un résultat d'acharnements de plusieurs ONG qui poussent
les gouvernements à réagir.
Quelques
indications sur le schéma de réseaux de John Stamford
: en 1970, John Stamford crée le Guide International de Tourisme
soi-disant "pour homosexueles" : Spartacus. Edité
en langue anglaise, publié en Allemagne, ce guide atteint
bien vite les 60 000 exemplaires et est distribué également
dans de nombreux pays. Ce livre répertorie officiellement
à travers le monde les adresses et lieux de rencontre pour
homosexuels. Les ONG ne s'en seraient jamais préoccupées
s'ils n'avaient été que cela. Mais Spartacus comporte
d'autres rubriques cachées : selon la FAI (Fédération
Abolitionniste Internationale), "Un système de codage
dans le guide Spartacus permet aux pédophiles du monde entier
de localiser les endroits où il leur sera possible de trouver
une jeune clientèle". Bien entendu-e, le mot "enfant"
est soigneusement évité. Ce livre explique aussi comment
entrer en contact avec la société de Stamford, dont
la première, SIL (Spartacus International Limited), basée
à Londres, propose une adhésion au club Spartacus,
club qui fournit à ses membres des portfolios donnant, pays
par pays, des renseignements beaucoup plus précis.
"
En général, les garçons sont facilement disponibles
dès l'âge de la puberté, et même avant,
et normalement personne n'a d'objection (...) J'ai personnellement
testé beaucoup de ces garçons et recommandé
certains aux lecteurs du guide Spartacus (...) Ecrivez-nous le nom
du garçon que vous souhaitez rencontrer, dites-nous vos dates
d'arrivée, numéro de vol et heure d'arrivée,
ainsi que l'hôtel où vous résidez. "
Bien entendu-e aussi, les portfolios n'oublient jamais de rappeler
que les lois théoriquement en vigueur dans les pays concernés
et le moyen de les contourner, ainsi que les tarifs pratiqués
sur place. John Stamford incite ainsi ses lecteurs à en savoir
plus, à travers son guide, puis son club, puis ses portfolios,
et à passer à l'acte. Acte qu'il facilite d'ailleurs
grandement. Stamford se vante d'ailleurs à F. Lefort, qui
a infiltré son réseau, de " pouvoir fournir
partout dans le monde, en deux heures, un enfant de l'âge
et du sexe désirés." C'est d'ailleurs ce
que déclare la présidente de l'ACPE, Monique Loustau,
au moment du procès. La Coltsfoot Press est la seconde société
de John Stamford. Celle-ci est basée à Amsterdam,
et spécialisée dans les publications pédophiles.
Suite à des difficultés financières, Stamford
décide de vendre Coltsfoot Press dès 1985. N'ayant
trouvé aucune personne preneuse, il essaye d'écouler
le stock de publications pédophiles de Coltsfoot, et adresse
pour cela, en fin 93, le catalogue Coltsfoot à chaque membre
du club Spartacus.
La
FAI déclare en 94 :
" en commercialisant
l'exploitation sexuelle de l'enfant, Stamford rend ce phénomène,
auparavant marginal, accessible au plus grand nombre. Il exploite
financièrement la pédophilie qui, grâce aux
facilités offertes, se développe de manière
à peine clandestine ... "
Mais
le réseau Spartacus n'est pas le seul sur le marché
de l'exploitation sexuelle des enfants. Des Tour Operator se sont
en effet spécialisés dans ce que l'on appelle "
les circuits du sexe". En 93, des agent-es de voyage de 85
pays ont pris des mesures et ont décidé d'informer
le public. La Suède, la Suisse et la France ont inséré
dans les billets d'avion une note dont la version suédoise
se termine par :
" un enfant
a droit à une protection quel que soit l'endroit où
il vit. " Espérons
qu'un jour nous puissions voir ce genre de mesures être pris
contre la prostitution sous toutes ses formes !!! De même
les Nations Unies affirment : "
la traite et la vente d'enfants, la prostitution d'enfants et la
pornographie impliquant des enfants constitue des formes modernes
d'esclavage qui sont incompatibles avec les Droits de l'Homme, la
dignité et les valeurs humaines. " Nous
nous interrogeons alors sur le point de vue des Nations Unies contre
la prostitution des adultes. Considère-t-on qu'elle est compatible,
elle, avec les Droits Humains, avec la dignité et les valeurs
humaines ? Considère-t-on qu'une forme de prostitution est
acceptable et l'autre non ? Considère-t-on que
la prostitution des adultes n'est pas aussi une forme moderne d'esclavage
?
Mais
revenons au sujet précis de la prostitution enfantine. Marie-France
Botte (ancienne assistante sociale belge) explique qu'à Bankok,
les petites filles ne sont pas visibles. Elles sont enfermées
dans les hôtels pour touristes. Hôtels où l'on
réserve à la fois la chambre, les boissons et la "consommation".
Lors
de son procès, John Stamford essaye de tirer son épingle
du jeu et utilise la carte officielle de Spartacus : le guide
touristique destiné aux homosexuels en hurlant à
la persécution, en clamant :
" dans ce procès,
les médias et les parties civiles font exactement ce que
les nazis, en leur temps, ont fait aux homosexuel-les. S'ils pouvaient
nous mettre dans des chambres à gaz ou de torture, ils le
feraient ". Stamford essaye d'attirer
la communauté homosexuelle de son côté, en se
faisant le défenseur d'un jour des homosexuel-les. Bien entendu-e,
les communautés homosexuelles ont cerné le stratagème
et ne sont pas rentrées dans son jeu. Stamford ajoute, lors
de son procès, que la situation dans laquelle il se trouve
est dûe au comportement "colonialiste" de certains
pays d'Occident qui ne peuvent accepter les différences culturelles
avec d'autres nations. " L'argument basique utilisé
par les touristes abusant d'enfants en Asie : "
Cela fait partie de leur culture (...) et ils aiment ça ".
Ils
ignorent naturellement la façon dont les enfants prostitué-es
les appellent : " les crocodiles".
Le
juge suspend la séance car une nouvelle pièce vient
d'être jointe au dossier : une vidéo pornographique
dans laquelle Stamford est impliqué, et qui se serait soldée
par le meurtre de deux enfants philippins. Les revues et les cassettes
porno font ENTIEREREMENT partie de la réalité prostitutionnelle
des adultes comme celle des enfants, à l'étranger
comme en France, et forme un tout avec elle.
Et
Stamford continue ...
"Nous devons
nous poser honnêtement la question : qu'est-il préférable
? Un enfant philippin vivant uniquement de déchets qu'il
trouve sur une montagne d'immondices, ou le même pauvre enfant,
se prostituant avec des touristes ; ce qu'il apprécie par
ailleurs, et ce qui lui permet en outre de se nourrir convenablement,
de dormir dans un lit propre et de s'offrir une éducation
correcte ?"
Comme
le dit Le Livre Noir de la Prostitution,
" Comment parler
d'éducation pour ces enfants prisonniers de la prostitution
? Au pire, ils mourront à la suite de mauvais traitements
et de coups, à cause de la drogue ou d'une maladie comme
le sida. Au mieux, ils perdront tout respect d'eux-mêmes et
des autres."
La
misère économique inérante au capitalisme est
de toute évidence un dénominateur commun à
toutes les formes de prostitution. Bien sûr-e, ce n'est pas
l'exclusive raison, mais l'une des plus fortes. Elle s'accompagne
souvent de misère affective ou du dégoût de
soi.
Concernant
la pauvreté, l'UNICEF précise dans un rapport qu'elle
est plus profonde et plus irréductible qu'elle ne l'était
auparavant. En effet, dans certains pays en voie de développement,
le revenu annuel moyen de 20 % des personnes les plus riches est
plus de 25 fois supérieur à celui de 20 % des pauvres.
Les bouleversements politiques, économiques et sociaux de
l'Europe centrale et Orientale qui ont eu lieu au début des
années 90 ont aggravé les disparités économiques.
De fait, 100 000 enfants vivent dans la rue et y "travaillent".
FILLES
A VENDRE
Chaque
année, du Bengladesh au Pakistan, de l'Inde vers de Moyen-Orient,
des Philippines vers la Malaisie, de Birmanie vers la Thaïlande,
et du Népal vers l'Inde, des milliers de femmes et de très
jeunes filles disparaissent, vendues volontairement par leurs familles
ou enlevées de force à elles. Dans ces rapts d'une
autre époque, on trouve : des parents, des maris, des voisins,
des ami-es, des inconnu-es, etc... Mais quelle que soit son origine,
la victime subit le même sort : elle se retrouve vendue comme
une marchandise dans un pays étranger dont elle ne connaît
pas la langue, isolée, sans papiers et sans le moindre secours.
Son destin est dores et déjà tracé, et se résume
à peu d'alternatives : le bordel ou l'homme riche dont elle
sera l'esclave sexuelle et la domestique. Sa seule """faute"""
est d'être une fille, dans ces régions où la
préférence pour un fils est largement prédominante.
La vendre, la sacrifier à une quelconque déesse ou
un quelconque dieu, ou la prostituer fait partie d'une tradition
qui a des siècles d'âge et laisse toute la place aux
garçons. Obscurantisme et exotisme, l'occasion est trop belle
pour les exploiteurs du tourisme sexuel. Ron O'Grady propose un
voyage en Thaïlande intitulé
" Le circuit
contre la crise de l'âge mûr de l'homme vrai ".
Le sous-titre confirme "
ce circuit est réservé aux hommes, aux vrais hommes".
L'edito aussi est assez explicite : "
je sais que vous, les gars, vous ne supportez plus ces histoires
d'indépendance et de libération de la femme. Mon but
est donc de vous amener là où il existe de vraies
femmes vivant en harmonie avec la nature, et dont la première
mission dans la vie est d'assouvir les désirs et besoins
des hommes " . Ce
circuit a réellement existé. Ce n'est pas un canular.
Ce n'est pas un cas isolé, d'autres programmes de ce type
se mettent en place, avec moins de franchise et de manière
moins caricaturale, mais les """services"""
proposés restent les mêmes. " Sur Internet, des
hommes, amateurs de "vacances sexuelles", échangent
leurs impressions, leurs adresses et leurs conseils. Dans certains
forums, il est même explicitement précisé que
les femmes sont retenues contre leur volonté, et que, surtout,
le client peut en faire ce qu'il veut. " Des jeunes
filles birmanes sont enlevées et séquestrées
dans des bordels de Ranong, où leurs conditions d'existence
sont des plus atroces : aucune hygiène, aucun soin, et des
violences de toutes sortes. D'après les jeunes filles qui
ont été libérées, les premiers temps
sont terribles. Les femmes sont contraintes à se prostituer
; si elles résistent, elles sont privées de nourriture,
enfermées dans l'obscurité pendant plusieurs jours,
voire soumises à des viols collectifs. Les formes de punition
fréquentes sont la maltraitance à l'aide de barres
de fer et les brûlures par cigarettes.
Bien
évidemment, la prostitution n'est pas imposée à
toutes les prostituées. A côté des femmes et
des filles esclaves, ellil y a des femmes qui se disent prostituées
par libre choix, mais les conditions économiques et sociales
qui entraînent leur prostitution faisant d'elles un produit
de consommation, remettent en cause la signification du dit libre-choix.
Comme l'affirme très justement un journaliste belge en 1996
au moment de l'affaire Dutroux : "
Les solutions ? il n'y en aura jamais, aussi longtemps que l'économisme
prévaudra sur l'humanisme, et que le désir de puissance
lié à l'argent et au sexe demeurera une composante
essentielle et obsessionnelle du monde dans lequel nous vivons.
"
MAISONS
CLOSES
Athènes
était une ville mythique, célèbre pour ses
raffinements avait un côté moins connu et bien moins
reluisant : culte de l'argent, corruption et prostitution... Athènes
était une ville à la morale bourgeoise : et la prostitution
dérangeait énormément la bonne vieille société...
ou plutôt le spectacle de la prostitution. En l'an - IV, Athènes
trouve le moyen de cacher (au lieu d'élucider) ce problème
: elle crée les maisons closes, autrement appelées
"bordels" (le mot venant du fait que les lieux en question
se trouvaient souvent au bord de l'eau). Cette idée fait
son chemin, et arrange bien les hypocrites de tout poil et de toute
région du globe. D'ailleurs le monde s'endurcit, devient
fruste, se remplit de guerres et de conquêtes, il crée
une atmosphère de violence dans laquelle la prostitution
proclamée ou clandestine fait son lit. De nombreux seigneurs
tentent d'extirper la prostitution qui ronge leur royaume. Théodose
le Grand, empereur byzantin, ordonne d'exiler tous les pères,
époux ou maîtres qui prostituent leurs filles, femmes
ou esclaves. Théodoric Ier, roi des Wisigoths, (418-451)
condamne à mort le proxénétisme (les prostituées
sont épargnées, ce qui n'est pas le cas avec un autre
Wisigoth, Alaric II, qui en 506, un an avant d'être tué
par Clovis, rédige un recueil de lois, le code Alaric, où
le sort des prostitué-es, tout comme celui des proxénètes,
est le fouet). Le code Alaric survivra longtemps à son auteur
; on le retrouvera avec Genséric de Carthage, premier roi
vandale d'Afrique, et Frédéric Ier Barberousse, empereur
romaingermanique. Ceux-ci renforcent le code Alaric et l'endurcissent,
moins toutefois que Charlemagne, (dont la vie ne s'est hélas
pas limitée à la création d'écoles gratuites)
pour qui toute personne qui racole, aide les prostituées
ou tient un bordel, est passible de flagellation, les prostitué-es
elleseux-mêmes sont jugé-es comme criminel-les et peuvent
recevoir jusqu'à 300 coups de fouet, et voir leurs cheveux
être tondus. En cas de récidive, elles sont vendues
au marché des esclaves.
Dans
toute cette violence aussi spectaculaire qu'inefficace, une note
juste dans un cafarnaüm de fausses notes . Cette note, c'est
l'empereur byzantin Justinien 1 er qui la donne, très secondé
par son épouse, Théodora (elle-même ancienne
prostituée, connaissant donc bien le problème) . Sur
les conseils de son épouse, Justinien stipule dans son Corpus
juris civilis que tous les proxénètes, souteneurs
et mères maquerelles doivent être sévèrement
puni-es. Sur sa lancée, il abolit l'interdiction aux ex-prostituées
de semarier. De plus le couple créeaussi un centre de réadaptation
sociale pour anciennes prostituées (jusqu'ici excellente
initiative mais il appelle malheureusement ce centre ... "Metanoia"
(ce qui signifie "repentir"). Une grande contradiction
puisque toute la démarche implique l'idée que ces
femmes sont victimes de la prostitution et le nom du centre implique,
lui, qu'elles sont coupables de quelque chose) !
EGLISE
ET PROSTITUTION
Si
l'Eglise a adopté une attitude très hostile contre
les prostitué-es et la prostitution pendant les six premiers
siècles, elle change radicalement de ton ensuite. Saint Augustin,
le "père de l'église latine", nousassène
sonopinion (encore souvent développée aujourd'hui
par les pro-prostitution) : "
Supprime les prostituées, les passions bouleverseront le
monde. Donne-leur le rang de femmes honnêtes, l'infâmie
et le déshonneur flétriront l'univers. Les prostituées
sont dans la cité ce qu'un cloaque est dans un palais. Supprime
ce cloaque et le palais tout entier deviendra un lieu infect. "
"
Saint " Thomas d'Aquin, neuf siècles après, déclare
dans sa Somme Théologique admettre l'existence de la prostitution,
et prône la réglementation. "
Agir ainsi est honteux et opposé à la loi de Dieu,
mais en toucher le prix n'est ni injuste ni défendu. On peut
donc garder ces biens et en faire l'aumône. "
Aux
XIème et XIIème siècle, le discours ecclésial
établi par le Decretum de Burchard, évèque
de Worms, est le suivant : "
La prostitution est un mal, mais une nécessité, et
la femme prostituée est la première fautive. "
Ainsi
l'Eglise suit les décisions prises par la "bonne société"
bourgeoise, et réclame que les prostituées ne se mélangent
pas au genre humain ordinaire (justifiant par là l'idée
de l'existence des bordels) et "
puisqu'elles existent, pourquoi ne pas profiter du commerce de la
chair ?" A
partir du XIVème siècle, les tentatives d'institutionnalisation
de la prostitution reposent sur deux axes : ségrégation
et profit. Puisque les bordels sont considérés comme
inévitables par les élites, les puissants, clergé
compris, qui mettent en commun leur effort pour réglementer
et administrer le "péché", contrôlant
et encaissant. Saint Thomas d'Aquin décrit comment des moines
perpignannais faisaient une collecte de fond pour l'ouverture d'un
lupanar présentée comme une "oeuvre sainte,
pie et méritoire". Le pape Jules II lui-même
ordonne, en 1510, la construction d'un bordel strictement réservé
aux chrétiens. Voltaire rapporte que l'évêque
de Genève possédait tous les bordels de ses terres
paroissiales. Jusqu'en 1946, date de fermeture des maisons closes
en France, ellil est fréquent-e que les murs des bordels
appartiennent au clergé, lequel encaisse le loyer du "péché".Les
positions de l'Eglise, depuis la déclaration du Concile de
l'Eglise catholique romaine en 1962, se sont ensuite infléchies
dans une autre direction : "
tout ce qui est offense à la dignité de l'homme, comme
les conditions de vie sous-humaines, les emprisonnements arbitraires,
les déportations, l'esclavage, la prostitution, le commerce
des femmes et des enfants, toutes ces pratiques sont en vérité
infâmes. Elles déshonorent ceux qui s'y livrent plus
encore que ceux qui les subissent. " En
bref, les victimes sont donc à ses yeux coupables, peut-être
moins que les bourreaux, mais coupables tout de même.
LE
ROSE DES APPARENCES ET LE NOIR DES REALITES
La
maison close est perçue par beaucoup de personnes en France
comme un folklore "coquin bien de chez nous", dans la
lignée des traditions gaillardes et gauloises, collant avec
" la Belle Epoque, les Années Folles, les Folies Bergères,
le French cancan, les froufrous, les boudoirs, les gros hommes à
rouflaquettes et les p'tites femmes de Paris. " Nostalgie
perpétuée par beaucoup d'écrivains. Mais tout
ceci n'est qu'une apparence visant à assurer le "confort"
des consommateurs (un consommateur conforté est un consommateur
qui revient).
La
réalité est toute autre :
" des femmes avilies,
réduites à l'état de "bêtes à
plaisir", confinées dans un huis clos dégradant,
tournant au système carcéral : le bordel, l'hôpital,
la prison.... exploitées, maltraitées, corvéables
à merci et pour le pire. Avec, pour finir, l'horreur absolue,
l'abjection suprême de la prostitution : l'abattage. Car les
bagnes du sexe ont aussi leurs îles du diable : parquées
dans des bouges abjectes, traitées comme du bétail,
abruties par les drogues et l'alcool, les prostituées y travaillent
à la chaîne, alignent quelquefois jusqu'à 80
passes par jour !!! " (dixit
Le Livre Noir de la Prostitution). Mais le consommateur ne doit
pas voir cela et ne doit pas s'en soucier. Il paye pour son plaisir
et, partant de là, il est le roi. Les consommateurs pensent
(ou prétendent penser) être dans un lieu "festif",
et tout est fait pour qu'il le croie. Derrière le velouté
des tentures, la maison close tient de l'usine et de la prison.
L'appareil administratif y est très précis, quasiment
obsessionnel. C'est un lieu d'ordre où règne une discipline
de fer. Au sommet de la hiérarchie, la taulière (une
ancienne prostituée qui a "réussi") dirige
et punit ses esclaves. La préfecture lui ont donné
l'autorisation d'exercer, elle constitue un registre dans lequel
le nom de toutes "ses filles", ainsi que le résultat
des soi-disant visites sanitaires (visites qui n'ont d'ailleurs
jamais lieu). Son autorité est pratiquement sans limite.
Elle ne prend en compte qu'une seule règle : le profit. Le
lupanar n'est rien d'autre qu'une entreprise commerciale dont l'unique
but est de faire de l'argent. Argent pour l'Etat proxénète,
qui encaisse plus de 50 % des bénéfices par le biais
des impôts dont sont redevables les maisons closes. Argent
pour des propriétaires d'immeubles qui matraquent les loyers
et touchent pot-de-vin sur pot-de-vin, et pour les patron-nes qui
s'édifient des petites ou grosses fortunes (selon le standing
de leur établissement). Les prostituées n'ont, elles,
droit qu'à quelques miettes, juste de quoi survivre... Piégées
à l'extérieur par l'un de ces recruteurs du sexe qui
errent dans les hôpitaux et dispensaires, traînent dans
les bureaux de placement, déambulent dans les gares, en quête
de "proies" idéales. Le "colis" (surnom
donné aux filles dans le milieu de la prostitution) est "ficelé".
"
Quotidiennement
exploitées, les pensionnaires voient rarement la couleur
de l'argent qu'elles gagnent. S'il arrive qu'elles touchent la moitié
des passes, elles sont alors assujetties à une lourde pension
mensuelle. Si elles travaillent aux "jetons", la taulière
déduit les frais et les sommes à remettre directement
au proxénète. Pour éviter qu'un billet ne soit
dissimulé, la sous-maîtresse n'hésite pas à
fouiller les chambres... Toute l'habileté du système
consite à maintenir les filles dans un endettement permanent.
Les amendes pleuvent : verre cassé, retard, injure au client,
dépassement du minutage, souvent mal logées, entassées
dans de sinistres "bahuts" sous les combles, voire couchées
à deux dans un seul lit, les pensionnaires n'ont pas voix
au chapitre.
Ne sortant pratiquement jamais (ou seulement pour changer d'établissement,
une fois cédées après transaction), elles sont
taillables et corvéables à merci des clients, elles
doivent tout accepter, tout subir. La tenancière a tôt
fait de vérifier la "gentillesse" de sa "protégée"
auprès des intéressés. La boucle est bouclée.
Démunies, les prostituées des maisons closes s'endettent
auprès de leurs geôliers. Battues, humiliées,
martyrisées par des consommateurs sadiques, elles n'ont pas
le droit de porter plainte, " pour ne pas faire de tort à
la réputation du bordel ". Malades, elles constatent
tous les jours que le fameux contrôle sanitaire est une supercherie.
Si elles font preuve de réticence et sont "mauvaises
travailleuses", leur tenancier-e les envoie dans l'enfer de
l'abattage.
"
Certes toutes les prostituées ne sont pas retenues que par
la force. Mais le monde clos et putride où elles se sont
plongées les a coupées de l'extérieur. A qui
se plaindre ? A la justice ? A la police ? Parfois celle-ci ramène
elle-même les jeunes femmes qui cherchent à s'enfuir.
"
Quant
au fameux contrôle sanitaire, pillier majeur de l'argumentation
réglementariste, il ne résiste pas à la fraude
médicale ni aux arrangements divers accordés aux tenancier-es.
N'oublions pas que les proxénètes n'ont ABSOLUMENT
PAS intéret à ce qu'une véritable visite médicale
ait lieu, car les chiffres parleraient d'eux-mêmes et ferait
fuir "la clientèle" . Dr Pinard déclare
en 1945 qu'une femme reconnue saine à une visite a le temps
d'infecter une trentaine de personnes entre sa contamination et
la visite suivante. Il ajoute que 99% des prostituées qu'il
a oscultées en 3 mois de travail étaient atteintes
de maladies vénériennes.
En
outre, ellil apparaît que le système des maisons closes
est loin de limiter la prostitution en la cachant à la bourgeoisie
puritaine (pourtant participant bien souvent à cet esclavage
moderne), et est contraint de ne surtout pas faire de ces lieux
des maisons trop closes. La concurence avec la prostitution de trottoir
l'oblige donc à attirer les hommes de l'extérieur
vers l'intérieur des murs du bordel.
Souvenons-nous
aussi que les maisons closes ont entretenu de très bons rapports
avec le régime nazi, régime sous lequel les "casernes
du sexe" fonctionnaient mieux que jamais et faisaient principalement
la joie des officiers SS, de la gestapo, de la Wehrmacht, des collabos,
des trafiquants et truands en tous genres, tous ces consommateurs
de prostitué-es avaient même une place privilégiée
qui leur donnait certains traitements de faveur que leur réservait
(solidairement -sic! ) les entrepreneurs de la prostitution (qui,
en bons opportunistes, ont vite fait de retourner leur veste dès
la défaite nazie !). En effet, les bordels étaient
partculièrement appréciés par les nazis et
le leur rendaitent bien. Comme au One Two Two, qui accueillait allègrement
les tortionnaires de la rue Lauriston (Bonny, Lafont, Danos et les
autres) qui venaient reprendre leur souffle entre deux atrocités
(en en commettant une troisième). A la libération,
bien évidemment, les patrons des maisons closes acquierent
une sale réputation. Malgré le retournement de veste
de certains et l'engagement d'autres dans la resistance de la 25ème
heure, les patrons des bordels ont l'image tachée d'ombres
brunes dans les mémoires encore fraîches et ce fut
le début la chute finale des réglementaristes de toutes
sortes, initiée au début du XX ème siècle;
la Croix Rouge Internationale et la Société des Nations
avaient dénoncé les conditions sanitaires catastrophiques
des maisons closes en 1881 au congrès de Coppenhague, en
1922 à Paris, et en 1923 à Varsovie, la Croix Rouge
Internationale dénonce les maisons closes au nom de la santé
publique. Dans les années 20 et 30, ce type d'alerte se multiplie.
La Société des Nations publie en cette même
période une enquête d'envergure internationale qui
dénonce les formes modernes de l'exclavage des femmes, la
puissance considérable des trafiquants internationaux et
l'importance que revêtent pour eux les maisons closes. L'enquête
fait l'effet d'une bombe dans les esprits. C'est la prise de conscience.
Les villes de Colmar, Strasbourg, Nancy, suivies par de nombreuses
autres décident de fermer leurs maisons closes. Les tenanciers
des bordels contre-attaquent en contactans leurs amis de la haute
sphère politique et policière. En 1925, ils créent
l' "Amicale des maîtres d'hôtels meublés
de France et des colonies" (on peut d'ailleurs se demander
qui sont véritablement les meubles dont parle l' "Amicale"
!). Cet organisme avait pour but de défendre au mieux les
intérets des proxénètes et des tenanciers des
bordels et se présentait au grand public et aux élus
comme d'honnêtes commerçants oeuvrant pour la salubrité
publique, octroyant quelques pots de vin lorsque ceux-ci demeuraient
sceptiques.
Mais
en 45, c'est la fin. Le système réglemtariste et ses
défenseurs s'éffondrent; Le 12 mars 1945, le député
Paul Boulet dénonce publiquement le "honteux
système de réglementation de la prostitution, dernier
vestige de l'esclavagisme",
le 30 décembre 1945, Pierre Dominjon et plusieurs de ses
collègues MRP déposent un projet de loi à l'Assemblée
Nationale pour supprimer la tolérance administrative de la
prostitution en France et le préfet du Nord décide
la fermeture des bordels dans son département. Le 22 mars
1946, le ministre de la Santé et de la Population, Robert
Prigent, dépose à son tour un projet de loi, celui-ci
stipulant que "la
maison de tolérance est inutile, sinon dangereuse du point
de vue sanitaire. On ne saurait prétendre, d'autre part,
qu'elle réponde à une nécessité sociale.
On peut même affirmer que la maison de tolérance crée
la clientèle en faisant naître l'occasion".
Le texte innove également en parlant des conditions des victimes
de la prostitution en dénonçant "un
état de servitude contraire à la dignité humaine
et à l'égalité des droits entre les sexes"
Le
13 décembre 1945, Marthe Richard dénonce avec fracas
la situation des prostituées et le système alors en
vigueur. Son intervention a été un renfort de choc
pour les abolitionnistes. De par ses activités diverses (aviatrice,
espionne, etc.), elle devient le symbole de la femme libérée.
Elue au Conseil Municipal de Paris par la Résistance, elle
a mené des enquêtes sur les maisons closes et le compte
rendu est édifiant. Elle dénonce furieusement, malgré
les menaces des proxénètes et des commissaires de
police corrompus, les conditions de vie odieuses des prostituées.
Le
20 décembre 1945, le préfet de police Luizet s'engage
à fermer tous les bordels d'ici mars 46. Le Conseil Municipal
vote dans le même sens (69 voix pour, 1 voix contre) mais
le ministre de l'Intérieur Le Troquet fait suspendre la fermeture
des bordels de Paris, le 26 mars.
Retour
donc à l'assemblée nationale, où la loi 46685
sur "la
fermeture des maisons de tolérance et [le] renforcement de
la lutte contre le proxénétisme"
est
enfin adoptée. Les abolitionnistes ont gagné. Ou presque.
Le système prostitutionnel existe toujours (via la prostitution
de trottoirs et la prostitution dite "de luxe")
et dix jours plus tard, déjà, la toute neuve résolution
se trouve entâchée d'un sérieux bémol
avec la création d'un fichier sanitaire et social pour les
prostituées. On parle à nouveau de "surveillance
médicale", de "contrôle policier
". Un pas en avant, un pas en arrière ... c'était
la politique d'hier. C'est encore celle d'aujourd'hui (en
2000, le parti politique "Les Verts" voulait relancer
le débat en faveur de la réouverture des maisons closes
!!!)
PATRIARCAT
+ CAPITALISME = PROSTITUTION
"Le
plus vieux métier du monde",
entend-on ici.
"La prostitution
est un mal nécessaire" entend-on
par-là. Déjà, la prostitution n'est certainement
pas "le
plus vieux métier du monde".
Le
métier de sage-femme l'ayant battu en ancienneté.
Ensuite, sous le fait que la prostitution existerait depuis longtemps
suffirait-il à la légitimer ?? Face à la barbarie
humaine, aux guerres de religions, aux "purification ethniques",
aux exterminations en tous genre, aux tortures, bref, à toutes
les horreurs de l'Histoire, doit-on fermer les yeux sous prétexte
que ces horreurs ont existé longtemps avant nous ??! Quand
un tribunal juge un violeur, doit-il classer l'affaire sans suite
sous prétexte que le viol est une pratique ancienne ??????!!!!!!!!
L'affirmation
que la prostitution serait "le
plus vieux métier du monde" n'est
ni véridique ni une raison pour qu'elle se perpétue.
Quand à l'affirmation bien discutable
"La prostitution
est un mal nécessaire",
comme l'affirme le psychiatre allemand Krafft-Ebing
"Si c'est nécessaire,
c'est un bien. Si c'est un mal, ce n'est pas nécessaire".
Le
point de vue des défenseurs et des défenseuses de
la prostitution prétendent que les prostituées permet
d'éviter une catastrophe sociétale qui se traduirait
par des viols et violences à tout va à l'encontre
des femmes. Cet argument est tout bonnement irrecevable. Il implique
que des personnes devraient servir d'exutoires de toutes leurs frustrations
et violences pour préserver la population (dont elles ne
font donc dores et déjà plus partie).
Premièrement,
cet argument ne repose sur rien si ce n'est sur les arguments développés
par les proxénètes eux-mêmes pour justifier
leur commerce. Donc rien de solide.
Ensuite,
devrait-on désigner un quotas de personnes à descendre
pour extirper les pulsions meurtrières des psychopathes et
ainsi protéger le reste de la population d'éventuels
carnages ??????
De
plus, cette même société fabriquent des fantasmes
volontairement inassouvissables pour vendre des solutions factices
à la population (ici, le porno et la prostitution)
D'ailleurs,
serait-ce bien sain-e d'encourager la mise en application
de prétendues "pulsions incontrôlables"
dès lors qu'elles nécessitent l'utilisation d'une
personne comme comme esclave à plaisir, comme un exutoire,
un objet, une chose, au lieu d'envisager une psychothérapie
??
Si
ce point de vue (celui des "pulsions incontrôlables
des hommes") était vrai (ce qui est bien sûr-e
bien loin d'être le cas en réalité et qui ne
repose absolument sur rien d'autre que des slogans commerciaux faits
par des proxo pour vanter les mérites de leurs produits),
cela signifierait qu'un tel problème sociétal devrait
les écarter de la vie active et de la scène politique.
Cela signifierait que tous les hommes devraient être internés
psychiatriquement et complètement rééduqués.
Bien
sûr-e, cette idée de "pulsions incontrôlables"
dictée par les fameuses hormones mâles n'est rien d'autre
qu'une vaste supercherie crée et perpétuée
par le machisme, et par l'existence même du système
prostitutionnel, lui-même créé, défendu
et entretenu par le patriarcat et le capitalisme (celui-ci étant
basé sur les valeurs marchandes, le profit et l'exploitation
de la misère, qu'elle soit d'ordre affective ou économique).
Le
système prostitutionnel repose sur une somme d'idées
toutes faites qui se transmettent de père en fils mais aussi
de mère en fille. Or chaque fils et chaque fille peut s'informer,
s'éduquer pour transmettre à son tour d'autres valeurs.
Nicole
Castioni reçut une éducation composée d'idées
fortement sexistes et forgea son adolescence à partir de
ces repères. Ainsi, lorsque son "ami" l'a mise
à 21 ans sur le trottoir et l'abreuve de discours misogynes,
elle pensa tout naturellement "Si
je dois réussir dans la vie, ce sera par mon corps. L'intelligence,
c'est pour les garçons. Mon père a forcément
raison." et
elle déclarera plus tard, au sujet de son ex "ami"
"Son
discours constamment péjoratif sur les femmes ne me gênait
pas: c'était celui que tenait mon père et la plupart
des hommes que j'ai connus"
De
même, certaines idées sont toujours tenaces, bien que
moins répandues :
"une fille mal
notée en classe pourra toujours trouver un mari riche"
, "Dans un couple, la femme doit sacrifier sa carrière
pour suivre celle de son mari" .
Cela
conduit les jeunes filles des milieux les plus défavorisés
à attendre l'homme qui les fera vivre; l'époux ou...
le proxénète.
Pendant
longtemps, les garçons ont été élevés
dans l'idée que le domaine sexuel était le leur exclusivement
et qu'il n'y avait donc pour eux aucune limite.
"Un garçon,
ça risque moins". Moins
quoi? Peu importe. L'essentiel est qu'il ne risque pas de tomber
enceint. Les années 70 et l'avènement de la pillule
ont fait disparaître la terreur de tomber enceinte chez les
filles. Le moment était venu d'instaurer une liberté
égale entre les deux sexes, assortie d'une éducation
tout aussi égale sur le respect de soi-même et de l'autre.
Pour certain-es jeunes, ce fut effectivement le cas, mais pas pour
tout le monde. Nadine Plateau écrit "Si
la révolution sexuelle s'est opposée avec raison à
la peur ou au dégoût du sexe, elle n'a pas aboli lesexisme
dans les rapports sexuels" . Elle
ajoute "Le
patriarcat moderniste pervertit le message libérateur du
féminisme en décontextualisant ses revendications
les plus fortes: ainsi, le droit à disposer de son corps,
exigence élémentaire des femmes, devient le droit
de le vendre."
Le
Livre Noir de la Prostitution nous dit sur la pornographie :
"En
nous présentant une image mensongère des envies et
des besoins sexuels des partenaires, et notamment de la femme, la
pornographie cherchent à entérinerplusieurs idées:
tout d'abord, le sexe extérieur (celui de l'homme) est plus
puissant que le sexe intérieur (celui de la femme). Ensuite
que la femme n'est heureuse qu'au service de ce sexe tout puissant,
dût-elle passer par la souffrance, pour atteindre une évidente
béatitude."
Pauline
Jeanne écrit (dans Prostitution et société,
n°94, juillet août septembre 1991):"Généralement
accompagnée d'humiliation ou même de cruauté,
la relation sexuelle pornographique est toujours imposée
par l'homme et tend à convaincre le spectateur que toute
femme n'a de plaisir que battue et violée, qu'elle vit dans
une admiration éperdue des capacités sexuelles de
l'homme (...) L'image faussée -voire carrément inversée-
de la femme que véhicule la mythologie pornographique, celle-làmême
qui fascine le voyeur invétéré, est un mensonge
qui pénètre profondément dans son esprit, au
point de structurer son attente et son attitude à l'égard
de l'autre sexe. Si l'on en croit cette mythologie, la femme jouit
d'être l'instrument des fantasmes primitifs et agressifs de
l'homme. Même lorsqu'àun niveau intellectuel, le porno-addict
se rend compte du caractère illusoire et faux de ce mythe,
il ne peut s'en détacher tout à fait au niveau émotionnel.
"
Le
philosophe Alain Finkelkraut ajoute : "Le
monde féminin est à disposition, l'homme est maître
et possesseur de la femme. Ce que l'image pornographique réalise
c'est en quelque sorte le rêve de l'arraisonnement de la femme
à l'homme"
La
pornographie utilise le prétexte de la liberté des
moeurs et celui du modernisme (en est-ce vraiment un ?) pour propager
les messages les plus réactionnaires qui soient et a ses
ardents défenseurs hurlant à la censure si l'on ose
en désaprouver l'existence.
Guy
Hénaut s'interroge... Il constate que "le
racisme, l'appel à la violence, l'apologie du crime, tombent
sous les coups d'interdits très stricts en matière
de publication, à cause du danger potentiel qu'ils représentent
pour l'ordre public." et
se demande bien pourquoi la pornographie y échapperait alors
même qu'elle est un appel au viol.
Des
études menées aux Etats-Unis auprès d'étudiants
ont montré que la consommation de films pornographiques les
rendaient étrangement indulgents à l'égard
du viol et dégradait leur images des femmes.
Le
Livre Noir de la Prostitution dit :"Il
est évident que la pornographie utilise les mêmes ressorts
que la prostitution, l'un créant l'envie que l'autre se propose
d'assouvir"
En
fait, c'est bien plus que cela car la pornographie ne met pas en
scène des prostituées mais des femmes de toutes sortes,
suggérant "n'importe
quelle femme est disponible à tout moment et pour n'importe
quel homme." En
d'autres termes, "toutes
sont des prostituées et lorsqu'elles disent non, en fait,
elles en meurent d'envie mais ne le savent pas encore".
Ce qui
ne conduit bien moins le porno-addict à consommer des prostituées
qu'à s'en prendre à des femmes non prostituées,
et si elles refusent, à les y convaincre par tous les moyens,
y compris par la force si ellil le faut, il a déjà
vu faire dans le porno. Mais par contre, le porno, modelant l'esprit
du porno-addict jusqu'à ce qu'il méprise suffisemment
les femmes pour les traiter en objet, ellil n'y a qu'un pas à
faire pour se servir d'elles pour gagner de l'argent. En d'autres
termes, le porno forme davantage à devenir proxénètes
que des consommateurs de prostitué-es. Du coup seuls les
coincés ou les personnes physiquement amoindries (handicapées
physiques), ne possédant pas assez d'aisance émotionnelle
ou physique et ne pouvant donc pas violer ou mettre des filles de
force sur les trottoirs, se contentent de consommer des prostituées,
comme exutoire de leurs frustrations et comme substitu : ne pouvant
être proxénète, on devient """"""client""""""".
Nicole
Castioni (dont nous avons parlé plus haut) est une ancienne
prostituée devenue députée européene.
Elle déclare: "L'éveil
à la conscience politique m'a fait comprendre que ce qui
m'était arrivé n'était pas de l'ordre du destin,
de la fatalité, mais qu'il y avait , derrière, tout
un système, une société qui permettait qu'il
y eût des enfants violés et des filles vendues sur
le marché de la chair"
"Il
faut comprendre que ce n'est pas l'habit qui fait la pute mais,
dans certaines circonstances, le simple fait d'être une femme"
Ce
ne sont pas les proxénètes qui diraient le contraire:
ceux-ci partant du principe que
"toute femme est prostituable".
Et
la société pense la même chose lorsqu'elle entérine
certains réflexes. En 1999, en plein coeur de Paris, le fameux
restaurant Le Fouquet's refuse l'entrée à deux femmes
parce qu'elles ne sont pas accompagnée d'un homme et sont
donc susceptible d'être des prostituées ! En été
2002, le gouvernement français incrimine chaque femme et
ordonne son arrestation pour peu qu'elle soit vêtue de manière
"légère", serait maquillée
et aurait rendez-vous avec une personne, sous prétexte que
ce pourrait être une prostituée. Autant dire beaucoup
de femmes, car en été on s'habille toutes et tous
plus légèrement (ellil fait chaud !), on a souvent
rendez-vous dehors avec des ami-es, et les femmes se maquillent
en principe plus que les hommes (ne nous demandez pas pourquoi,
nous l'ignorons ... enfin, pas vraiment en fait). Sarkozy a bien
parlé de critères précis dont seraient informée
la police. Nous ne savons pas à quels types de critères
Sarkozy fait allusion... Il n'en a pas dit plus... Ah oui, comment
a-t-il intitulé sa loi au fait ? Le "raccolage passif"
En
d'autres termes, toutes les femmes maquillées, habillées
léger, attendant un-e ami-e et étant emmerdée
par des baveux (comme c'est souvent le cas) risque non seulement
de ne pas espérer que les pourris qui l'emmerdent soient
inquiétés par les flics, mais au contraire, elle a
à craindre d'être arrêtée par la police
et traitée de "pute", qui plus est devant les baveux
qui l'emmerdaient. C'est une autre manière de rendre les
femmes responsables des violences et agressions qu'elles subissent
au quotidien, Une autre manière d'éviter de changer
les mentalités, une autre manière de l'institutionaliser
et lui donner une forme d'approbation politique, une autre manière
de les traiter officiellement de "putes" !
En
toute logique, dans la triangulaire de la prostitution (prostituée,
proxénète, consommateur) ce dernier devrait être
la personne la personne facile à appréhender, mais
il n'est ni traqué par la loi ni par la morale (ou si peu).
Tout
le monde sait que la prostitution compte 1 000 000 de consommateurs
en France. Mais personne ne connaît leur identité.
Ils sont le masque de fer de la prostitution. Ils sont ceux dont
la prostitution prend grand soin: santé, sécurité
et discrétion assurées.
Le
consommateur ou l'éternel absent. Toujours anonyme, toujours
invisible, toujours dans l'ombre. Toujours libre aussi.
Si
l'on veut lutter efficacement contre la prostitution, ellil convient
de s'attaquer à ses racines: les proxos et les consommateurs,
car si l'on se réfère à la loi de l' "offre"
et de la demande, les prostitué-es n'existeraient pas sans
le """"client"""" et, partant
de là, pas de proxénètes sans les prostituées.
Mais si l'on prend la LOI, le problème devient quelque peu
surréaliste: pénalement parlant le """""
client""""" n'existe pas ....
Les
consommateurs de prostituées, les crocodiles, comme les appellent
les enfants victimes de prostitution, ne possèdent aucun
signe particulier si ce n'est le même mépris pour les
femmes. Ca peut être monsieur papa qui s'octroie une petite
escapade après sa journée de bureau, avant de rejoindre
son épouse et leurs gosses, ça peut être monsieur
prolo qui s'envoie en l'air entre deux boulons d'usine, ça
peut être monsieur bourgeois qui se relaxe après sa
partie de golf, ou encore monsieur cinéma qui se fait un
porno sans la caméra, bref... le profile type n'existe pas.
Le consommateur de prostituées est multiforme. C'est le "fatigué",
l' "insatisfait" de la routine conjugale, le "trop
timide", le "trop complexé", le "handicapé
physique", le "handicapé psychique", le "gars
de la caserne", le "veuf écrasé", l'
"explorateur de fantasmes inassouvis", le "naufragé
d'un amour brisé", ... N'IMPORTE QUI.
Suzanne
Képès, médecine et psychothérapeute
affirme : "Ce
qui pousse les clients, ce ne sont pas les besoins sexuels... Ce
sont des fantasmes à accomplir... Il n'y a aucune différence
fondamentale entre le client des adultes et le client des enfants.
AUCUNE. C'est juste une question de degrés"
Tous
ces hommes ont pourtant un point commun: ils paient.
"Quel
que soit le type psychologique du client des femmes prostituées,
un trait leur est commun: leur mépris profond pour ces femmes
dont ils louent les services. Pour eux, la femme prostituée
est un "corps sans âme". Au moment de l'acte sexuel,
elle ne peut être que cela. Parfois peut-être, après,
un vague sentiment de honte et de faute affleurera dans sa conscience,
conséquence d'une attitude auto-érotique. Mais aussitôt
vient l'excuse: c'est elle la responsable, puisque c'est elle qui
a "choisi" cette manière de vivre; manière
facile de projeter sur l'autre sa mauvaise conscience. "J'ai
payé, nous sommes quittes." Il n'y a plus rien entre
cette femme et lui. Rien ne les lie plus l'un à l'autre,
tout comme rien ne lie le client au commerçant qui vient
de lui vendre sa marchandise. L'argent donné à la
prostituée est la négation de la relation interpersonnelle
exigée par une sexualité normale. Il est aussi le
moyen de se libérer de toute culpabilité où
elle est consciente, et de maintenir ainsi l'illusion d'une bonne
conscience."
Le
Livre Noir de la Prostitution.
Si
seulement ils savaient ...
Le
consommateur de prostituées croit qu'il se branle dans
un corps vide, sans esprit, sans conscience, sans émotion
... c'est sans doute parce que les prostituées tentent
de préserver tout cela, de se préserver elles-mêmes.
Elles s'efforcent de séparer leur corps de leur esprit.
Au crocodile, elles ne donnent que leur corps. Pas leur esprit.
Puisque de toutes façons c'est la seule chose qui les intéresse.
Pourtant
c'est bien dans une personne vivante qu'ils se vident, c'est bien
une personne vivante qu'ils traitent comme un objet inerte, une
poupée gonflable. Si ils savaient ce qu'elles pensent d'eux.
Si seulement ils savaient ...
S'ils
savaient ce que dit Laurette :"Je
voulais me venger à travers tous ces hommes de ce que je
subissais. Pour moi, le client n'était qu'un portefeuille
en marche qu'il fallait stopper et voler. Pour lui, j'étais
l'exutoire à ses fantasmes, le sexe universel où
l'on déverse le trop-plein de ce qui vous ronge. Ils ont
honte d'être vus. Souvent ils se cachent, nous faisant monter
devant. Nous sommes un besoin mais en même temps, il faudrait
que nous ne soyons pas là. Aucun d'eux n'oserait avouer
qu'il fréquente des prostituées. Ils nous en veulent
de leur soutirer de l'argent et nous, nous avons la haine d'être
soupesées, estimées à tant d'argent comme
des marchandises ... le client s'avilit en montant avec une prostituée,
mais pour ne pas s'avilir seul, il la paie. Pour lui, c'est peut-être
moins lourd à porter mais pour moi, c'est atroce.Même
le client habitué avec qui on se sent plus à l'aise,
j'ai toujours la sensation d'être violée, salie,
et même après trois ans, j'ai encore cette sensation
de dégoût ..."
A
San Francisco, depuis mars 1995, lorsque les consommateurs de
prostituées sont arrêtés, ils peuvent choisir
entre l'inculpation avec des travaux d'intérêt général,
ou une amende de 500 dollars et une journée à "l'école
des clients". L'école des clients fait partie du "Programme
pour les délinquants primaires de la prostitution".
Ce programme a été créé par Norma
Hotaling, une ex-prostituée, en collaboration avec le procureur
de San Francisco, un officier de police et des médecin-es
du département de la Santé. A l'école des
clients, les consommateurs de prostituées se retrouvent
face à une prostituée (qui se tient à la
tribune) qui lui disent ce qu'elles pensent et n'ont jamais pu
dire sur eux.
"
Je vous haïssais ! Je voulais vous planter à coups
de couteau !"
La
leçon dure huit heures. Elle est impitoyable, éprouvante,
humiliante et, d'après les statistiques de la police, spectaculairement
efficace. En 1999, après quatre ans d'existence, on ne
comptait que 18 récidives sur 2 181 anciens de l'école.
D'autres villes comme Las Vegas ou Nashville, impressionnées
par le résultat se dotent de formules semblables. Mais
la répression seule ne résoud pas totalement le
problème. La prévention est aussi nécessaire
pour ne pas que d'autres consommateurs de prostituées n'apparaissent.
Des campagnes de sensibilisations médiatiques, des changements
en profondeur des discours de la société, d'influencer
et modifier les structures sociales et culturelles. Bref, tout
un travail est nécessaire pour mener à bien ce combat
et libérer ces femmes victimes de la prostitution, par
la réinsertion,
entre autres.
LA
FAUSSE ALLIEE, LE PIEGE
La
prostitution a trouvé une complice: la drogue.
La
drogue (crack, cocaïne ...)a bouleversé les modes
de pensée, le comportement, les traditions et les pratiques
prostitutionnel-les. Au début, les proxos interdisaient
à leurs esclaves la consommation de drogues (considérant
qu'une camée est moins attirante). Puis, ils y ont trouvé
un certain profit et de nombreux avantages. Pour la prostituée,
la drogue lui permet de tenir le choc. Pour le proxo (qui souvent
la lui fournit) un formidable moyen de chantage pour lui faire
faire beaucoup plus de passes. De plus, droguée, la prostituée,
complètement déconnectée, peut assouvir les
fantasmes les plus tordus des consommateurs. Ces nouvelles pratiques
coûtent bien sûr-e plus cher, pour la grande joie
des proxos.
Christelle:
"Avec le
premier client, je suis descendue de la voiture en courant. Impossible.
Les autres filles m'ont dit de boire, que ça m'aiderait.
C'était vrai. Pour pouvoir y aller, il fallait que je prenne
quatre ou cinq martinis... La drogue, une fois, j' ai goûté.
Deux semaines après, j'étais déjà
en manque.Il fallait attendre le soir pour que les dealers passent.
C'était l'angoisse permanente... Avec la drogue, je découvrais
que tout devenait facile: les contacts avec les clients, leur
soutirer tout le fric possible. Là où j'aurais fait
1 000 francs sans rien prendre, je faisais 2 500 ou 3 000 francs
avec de la drogue. J'avais beaucoup plus de culot et honte de
rien ... Au début, j'ai pris de la drogue pour travailler,
et puis très vite j'ai travaillé pour la drogue."
Le
crac et la coke (sous forme de petits cailloux) circule. Chaque
dose est assez bon marché, mais les effets sont rapides
et laissent le sujet en état de dépression de plus
en plus insupportable. De multiples prises sont donc nécessaires:
vingt à trente fois par nuit.
"Des jeunes femmes en viennent à ne plus dormir
pendant quatre ou cinq jours, à se prostituer sans arrêt
jusqu'à ce qu'elles tombent, chaque billet finançant
un nouveau caillou. Plus question de payer une chambre d'hôtel
... Privation de sommeil, sous-alimentation, errance, l'abandon
de soi est total ... Les injections créent des abcès
épouvantable chez les femmes qui se piquent n'importe où
... les seringues circulent à l'aveuglette ... Il s'agît
là de situations tragiques, véritablement meurtrières.
Si les associations bougent, tentent l'impossible pour limiter
les dégats, la police et les politiques pratiquent régulièrement
le coup de balai dans le seul but de pousser le problème
chez le voisin."
Prostitution
et société n°110
Selon
le Journal International de la Médecine, les prostituées
ne souffrent pas, pour la plupart, du Sida, mais d'autres ; l'hépatite
B, les infections pulmonaires ORL (ellil fait froid sur les trottoirs).
Certaines présentent de multiples pathologies: Sida, hépatite
B ou C, hepès, abcès dus aux injections de drogue,
infections génitales, gingivites ou encore délabrement
dentaire (un des effets de l'héroïne).
Au
niveau européen, les Pays-Bas, chefs de file du réglementarisme
et partisans d'une prostitution organisée comme un service
public, sont parvenus à entériner la notion de "prostitution
forcée" dans les textes internationaux, à commencer
par la déclaration finale de la Conférence mondiale
de Pékin (1995). Cette notion sous-entend l'idée
d'une prostitution "libre", qu'ellil s'agît désormais
de professionnaliser, paravant de la dépénalisation
du proxénétisme. Le proxénétisme n'aurait
même pas osé rêver cela. Les victimes de la
prostitution doivent désormais prouver la contrainte dont
elles ont pu faire l'objet ! Des différeniations sont établies
entre prostitution adulte et enfantine, prostitution des femmes
européennes et des femmes étrangères. Ce
qui est un crime à 16 ou 18 ans moins un jour, devient
un banal acte commercial et légal, toute éthique
balayée. Ce qui est légitime dans les pays du Nord
est à combattre dans les pays du Sud. Toutes les différenciations
en matière de lutte contre certaines formes de prostitution
ont pour fonction de légitimer la prostitution en tant
que telle. Marie-Vitoire Louis (1997) récuse ainsi toute
distinction entre prostitution libre et forcée "Qui
oserait justifier l'apartheid par le consentement de certains
à leur servitude ?" et défend un véritable
projet politique de refus de toute marchandisation du corps et
de la sexualité
L'Union
Européenne s'organise pour lutter contre "le trafic
illégal des personnes" pour ouvrir la voie au "trafic
légal des personnes" , tournant ainsi le dos
à la Convention de l'ONU de 1949 "pour la répression
de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la
prostitution d'autrui" qui affirmait dans son préambule
que la prostitution est "incompatible avec la dignité
et la valeur de la personne humaine". Un texte auquel la
France abolitionniste a jusqu'ici montré son attachement.
Dans ce décor, la politique suédoise tranche violemment
et ouvre une troisième voie. Dès le 1er janvier
1999, l'achat de "services sexuels" est interdit.
La répression vise les clients, passibles de six mois d'emprisonnement,
et non les personnes prostituées. Cette décision
s'inscrit dans une série d'actions menées contre
la prostitution, dont l'une des plus originales est de proposer
aux clients des services d'écoute téléphonique
ou des entretiens avec des psychologues. La Suède est ainsi
le seul pays à dénoncer la prostitution comme une
violence faite aux femmes et à l'intégrer dans son
action politique et législative "pour la paix
des femmes"
La
ministre de l'Egalité des sexes, Margaretha Wimberg déclare
"Traiter une personne comme une marchandise, fût-ce
avec son consentement, est un crime". C'est là
l'ouverture d'une nouvelle voie.
"La
prostitution a trop longtemps été la "fatalité"
des femmes, entérinant l'idée que leur corps est
perpétuellement disponible pour le plaisir de l'autre,
qu'elles sont des êtres de "nature" soumis à
leur sexe, voués au service et au mépris, assujettis
aux soi-disant besoins des hommes, exclus du règne de la
pensée et de la culture. A l'aube du XXI ème siècle,
comment lutter pour la parité sans combattre la prostitution
?"
Le
Dictionnaire Critique du Féminisme.